Title: Ulrike Meinhof derniers textes
Author: Ulrike Meinhof
Date: June 1976
Notes: Last writings of Ulrike Meinhof, Original manuscript of Ulrike ; Der Metropolen Guerilla, letters from the Stammheim process. “Letzte texte von Ulrike”, 1976.
Publisher: editions la rupture
Copyright notice: © éditions la rupture, 2020
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French Translation

[Table of Contents]

Introduction 7

Jan Raspe sur la mort d’Ulrike Meinhof 9

Fragment sur la structure du groupe 11

Deux lettres à Hanna Krabbe 15

Lettre aux prisonniers à Hambourg 19

Extrait de la déclaration des prisonniers au procès de Stammheim 23

Conception Andreas/Ulrike pour le procès à Düsseldorf 35

Conception Andreas/Ulrike pour un autre procès 37

Concernant les effets de l’isolation dans une aile morte 43

Extraits de lettres à ses avocats sur l’isolation dans une aile morte 45

Déclaration au procès par rapport à la libération d’Andreas 49

Interview avec l’hebdomadaire Der Spiegel 61

Entretien avec Wienke Zitzlaff, la soeur d’Ulrike Meinhof 79

Conclusions de la Commission internationale d’enquête 85

La deuxième mort des prisonniers 87

Trois communiqués de la RAF 97

Photos 103

Repères chronologiques 117

Bibliographie 121

© éditions la rupture, 2020

Introduction

Ulrike Meinhof était une des fondatrices de la RAF. Quand elle fut trouvée morte dans une cellule de la prison de Stuttgart-Stammheim, le 9 mai 1976, ses camarades ne croyaient pas la version du suicide immédiatement proclamée par les autorités allemandes. Pour montrer qui elle était vraiment, ses camarades de lutte ont publié ses dernières lettres écrites pour la discussion du groupe en taule ainsi que des textes prononcés au procès de Stammheim auxquels elle avait participé. Dans ce recueil, nous avons ajouté une déclaration qu’elle avait prononcé lors de son premier procès par rapport à la libération d’Andreas Baader, acte fondateur du groupe, ainsi qu’une interview avec sa soeur Wienke et d’autres documents pertinents, complétés par des repères chronologiques et bibliographiques.

En composant ce recueil, nous avons constaté que beaucoup des traductions qui existaient en français jusqu’à présent étaient carrément abominables. C’est pour cela que nous avons refait des traductions sur base des originaux allemands.

Page manuscrite, début 1976

Jan Raspe sur la mort d’Ulrike Meinhof

le 11 mai 1976

je n’ai pas grand’chose à dire.

nous pensons qu’ulrike a été exécutée. nous ne savons pas comment, mais nous savons par qui et nous pouvons déterminer le calcul de la méthode. je rappelle les propos de herold : “les actions contre la raf doivent toujours être menées de façon à éviter toute position sympathisante.”

et ceux de buback : “la sûreté de l’état dépend du fait que des gens s’engagent pour elle. des gens comme herold et moi trouvent toujours une voie.” ça a été une exécution froidement conçue, comme celle de holger, comme celle de siegfried hausner.

si ulrike avait décidé d’en finir parce qu’elle y voyait la dernière possibilité d’affirmer son identité révolutionnaire contre la lente destruction de la volonté dans l’agonie de l’isolement, elle nous l’aurait dit – en tout cas à andreas : elle était comme ça leur relation.

je crois que l’exécution d’ulrike maintenant – en ce moment – est motivée par le point culminant, la première percée politique que connaît l’affrontement international entre la guérilla et l’état impérialiste allemand. il y a des informations qui circulent mais je ne veux en pas parler maintenant. l’assassinat se situe dans une ligne stratégique, après toutes les tentatives de l’état depuis six ans pour venir à bout, pour exterminer physiquement et moralement la raf. et il vise tous les groupes de guérilla en allemagne fédérale, pour lesquels ulrike joue un rôle idéologique essentiel.

ce que j’ai encore à dire

c’est que depuis le temps que je connais la relation entre ulrike et andreas – et je la connais depuis sept ans –, elle était essentiellement intensité et tendresse, sensibilité et rigueur. et je crois que c’est précisément le caractère de cette relation qui a permis à ulrike de supporter les huit mois dans l’aile morte. ça a été une relation comme il peut s’en développer entre frères et soeurs – orientée par un but identique et le rôle qu’y a tenu cette politique.

et ainsi elle était libre – parce que la liberté n’est possible que dans le combat pour la libération.

il n’y a eu pendant ces années aucune rupture dans leur relation. elle n’aurait pas été possible parce qu’elle se déterminait par la politique de la raf. et s’il a pu y avoir des contradictions essentielles dans le groupe, elles se définissaient dans une pratique concrète. au cours du processus de travail théorique, le seul restant possible en prison, elles ne peuvent se baser sur rien, étant donné la situation identique de la lutte, et compte tenu de l’histoire du groupe.

les discussions, les lettres et manuscrits d’ulrike jusqu’à vendredi soir apportent la preuve qu’il en a été exactement ainsi. ils expriment nettement le véritable caractère de cette relation.

prétendre maintenant qu’il y aurait eu des “tensions”, un “froid” entre ulrike et andreas, entre ulrike et nous, c’est une calomnie primaire et sinistre pour pouvoir ensuite utiliser dans la guerre psychologique le projet d’exécuter ulrike : ça c’est bien buback, dans toute sa stupidité :

toutes ces tentatives n’ont jusqu’à présent conduit qu’à une vision de plus en plus claire de la réaction en allemagne fédérale en tant que fascisme.

Herold – Président du BKA, Bureau Fédéral de Police

Buback – Procureur Fédéral en Chef

Holger – Holger Meins, mort dans une grève de la faim 1974

Siegfried Hausner – membre du Commando Holger Meins mort en 1975

Fragment sur la structure du groupe

Voici un fragment sur la structure du groupe. Ulrike tenait à l’exposer dans le procès de Stammheim – afin de détruire la théorie d’une structure hiérarchique que l’accusation fédérale essaie de pousser dans ce procès. Andreas était contre, et nous voulions le construire autrement. Ça n’a pas beaucoup d’importance, mais je l’ai quand même sorti maintenant parce qu’il apporte la réfutation des affirmations infâmes de Buback sur des “contradictions”, et parce que c’est à cela qu’a travaillé Ulrike en dernier. Il ne peut être publié qu’intégralement et avec les dernières lettres d’Ulrike, les deux à Hanna Krabbe et celle aux prisonniers de Hambourg.

– Jan, le 11 mai 1976

ce que habermas analyse là, a une condition dont nous disons qu’elle est la forme de la prolétarisation de la classe dans les métropoles : l’individualisation par la totalité de l’aliénation dans la production complètement socialisée. l’individualisation est la condition pour la manipulation.

liberté face à cette machine n’est possible que dans sa négation totale, c.à.d. dans l’attaque contre la machine par le collectif en lutte que la guérilla devient, doit devenir, si elle veut devenir stratégie, c.à.d. si elle veut vaincre. collectivité est un moment dans la structure de la guérilla et – présupposant la subjectivité comme condition dans chacun en tant que décision de combattre – son moment le plus important. le collectif est le groupe qui pense, sent et agit en tant que groupe.

direction dans la guérilla est celui ou sont ceux qui gardent ouvert le processus collectif du groupe et l’organisent au cours de leur pratique : la lutte antiimpérialiste, à partir de leur détermination et de la décision de chacun d’être un moment de l’intervention, ainsi à partir de la notion de chacun de ne pouvoir que ce qu’il veut collectivement. ce qui veut dire le groupe dans lequel tout ce qu’il est soit integré pratiquement, réellement, dans son processus en tant que groupe qui est engagé dans la lutte anti-impérialiste : structure militaire, politique, stratégie, embryon de la société nouvelle.

la ligne, c.à.d., à partir de la strategie la logique et la rationalité des pas tactiques individuels, des actions, est élaborée par tous. elle naît dans le processus de discussion à partir de l’expérience et du savoir de tous, elle est donc établie collectivement et devient ainsi impérative.

en d’autres termes : la ligne est développée dans le processus de la pratique et l’analyse de ses conditions, son expérience et son anticipation. ce qui est possible comme processus unifié parce qu’il y a unanimité concernant le but et la volonté de l’atteindre.

le processus de coordination des pratiques des groupes, une fois la ligne élaborée et comprise, fonctionne comme un ordre au sens militaire. son exécution exige une discipline absolue en même temps qu’une autonomie absolue, c’est-à-dire orientation et pouvoir de décision autonomes dans chaque situation sous des conditions différentes.

ce qui unifie la guérilla à chaque moment, c’est la volonté de chacun de mener le combat. ainsi direction est une fonction dont elle a besoin pour son processus. elle ne peut pas être usurpée. elle est exactement le contraire de ce qu’affirme la guerre psychologique sur andreas et la direction de la raf. si andreas était comme le présente le parquet fédéral, il n’y aurait pas de raf, il n’y aurait pas le processus de cette politique depuis cinq ans, tout simplement nous n’existerions pas. s’il assume une fonction de direction dans la raf, c’est parce qu’il est, depuis le début, ce dont la guérilla a le plus besoin : volonté, conscience du but, détermination, collectivité. quand nous disons : la ligne se développe dans le processus de la pratique et l’analyse de ses conditions, son expérience et son anticipation, cela veut dire que direction est celui qui a la vision la plus étendue, la sensibilité la plus grande et le plus de force pour coordonner le processus collectif, dont le but est l’indépendance et l’autonomie de chacun – au sens militaire, le combattant individuel. ce processus ne peut être organisé de façon autoritaire, aucune bande n’y est disposée, et sa direction sous la forme d’un chef de bande exclue.

le but de la campagne diffamatoire de l’accusation fédérale contre andreas est clair : elle cherche à préparer ainsi la démobilisation de l’opinion publique devant son assassinat. elle présente toute l’affaire de cette façon : il n’y a qu’à faire crever ce seul type, andreas, et le problème que la guérilla urbaine pose pour l’allemagne – selon maihofer le seul problème que l’état ne gère pas – sera résolu.

nous nous permettons d’en douter. au cours de ces cinq dernières années, nous avons appris d’andreas – parce qu’il est pour nous ce que nous appelons un exemple, c’est-à-dire quelqu’un dont on peut apprendre – de lutter, encore lutter, toujours lutter.

parce que dans ce qu’il fait, et donc dans ce que nous faisons, il n’y a rien d’irrationnel, rien qui soit forcé ou tourmenté. une des raisons pour lesquelles l’accusation hait le plus andreas, c’est qu’il combat en utilisant toutes les armes. c’est de lui que nous avons appris qu’il n’y a pas d’arme de la bourgeoisie qu’on ne puisse tourner et retourner contre elle. le principe tactique qui se fonde sur la notion du processus dans lequel le capital développe sa propre contradiction révolutionnaire. et ainsi andreas est le guérilla dont le che dit qu’il est le groupe. il est celui de nous qui, depuis longtemps et depuis toujours, c’est emparé du fait de la dépossession – la fonction de la guérilla qui anticipe le groupe et ainsi est capable de diriger son processus, parce qu’il a compris qu’il en a besoin. à partir du fait de la dépossession totale, la forme qu’a la prolétarisation dans les métropoles : l’individualisation, l’isolement, il a developpé la guérilla, la force de la subjectivité et de la volonté comme moteur dans le processus de construction d’une organisation de guérilla en allemagne.

d’où à rappeler qu’au début de toute initiative révolutionnaire – et nous pensons aux mouvements de grèves 1905 en russie, à la révolution d’octobre –, qui a transmis à un processus objectif et quasi naturel sa direction, durée, cohérence, stratégie, continuité et ainsi sa force politique, que cela se passait par la décision et la volonté d’individus.

pour gramsci, la volonté est la condition sine qua non : la volonté forte en tant que moteur du processus révolutionnaire au cours duquel la subjectivité devient pratique.

Habermas – philosophe issu de la théorie critique de l’Ecole de Francfort

Maihofer – Ministre de l’Intérieur

Gramsci – un des fondateurs du parti communiste d’Italie

Deux lettres à Hanna Krabbe

le 19 mars 1976

ce que baratinent les politicards, ce n’est pas ce que les gens pensent, mais ce qu’il sont sensés de penser – et quand ils disent “nous”, ils essayent de baratiner de telle manière que les gens s’y retrouvent et qu’ils trouvent cela bien dit – mais l’état n’aurait pas besoin de sondages d’opinion, ni du service de renseignement, si l’endoctrinement par la guerre psychologique était chose si simple –

le pays légal n’est pas le pays réel, disait gramsci, ou simplement : l’opinion dominante n’est pas l’opinion des dominés –

c’est de la merde ce que tu dis là. tu raisonnes dans l’imaginaire. comme si l’ennemi était l’idéologie qu’il crache, le baratin, les platitudes servies par la télé avec le ton du consensus des politicards, comme si les médias et les gens à qui l’on déverse toute cette merde étaient la même chose. pas réelle, matérielle, la machine anti-insurrectionnelle que sont police fédérale, procureur général, services de renseignement, gouvernement, médias, etc. comme si l’ennemi n’était pas matériel, mais idéel. ainsi tu ne t’interroges pas sur ce qu’est véritablement la situation que brandt qualifie de “normale” – et ne remarque-tu pas par rapport à la phrase de buback que lui il a pigé le caractère de l’affrontement : la guerre, et sa dimension : internationale, c.à.d. en fonction du capital américain multinational, et ne la trouves-tu qu’ “absurde”. au lieu d’analyser, tu trouves un mot – “CIA”,

constatant de façon métaphorique la déchéance morale de la politique de buback – ce qui est gratuit. tu te dénonces toi par là, parce que en quelque sorte tu déplores que ce soit la guerre, après t’être mise clairement de notre côté et avoir commencé à lutter dans cette guerre.

ton texte s’adresse à l’opinion publique genre mouvement des droits civiques. on peut alors se demander : si c’est ça ton truc, pourquoi es-tu ici et pas là-bas ? mais tu es ici.

l’internationalisme pour lequel tu as combattu dans le contexte raf n’est pas non plus celui des organisations internationales comme l’onu ou genève, c’est l’internationale des mouvements de libération qui mènent la guerre contre l’impérialisme dans le tiers monde et dans les métropoles.

la guerre – voilà tout. tu ne trouveras pas à t’orienter là-dedans si tu te réfères à des ragots, mais uniquement par l’étude des faits et de leur contexte dans la lutte des classes.

si, dans l’isolement, tu n’assumes pas, constamment et toujours, l’effort de piger la réalité, en trouvant sa notion, sa définition matérialiste dans le contexte de la lutte – lutte de classe pigée en tant que guerre –, tu deviens blanche, détachée, malade, c.à.d. tu commences à avoir une relation malade par rapport à la réalité. et c’est de la trahison, par capitulation devant la réalité de la torture, de l’effort que demande la résistance – sinon elle n’est qu’un mot.

il ne s’agit pas – tu ne peux pas te le permettre dans l’isolement – de te torturer toi-même, en plus de tout. ce qui ne signifie pas – comme l’a dit andreas là-bas – que certaines expériences ne devraient pas être souffertes dans le processus de libération de l’aliénation. mais se crever pour comprendre la politique, les faits et leurs relations, ainsi que pour comprendre le groupe et pour agir, est une chose. c’en est une autre de se crever parce que l’isolement t’a enlevé toute illusion sur toi-même, et ça peut être assez amer. et si c’est une question d’angoisse et de désespoir de par la structure de performance dans ta socialisation, eh bien c’est à partir de ça que tu lutteras.

peut-être tu devrais piger – je ne le sais pas – qu’on ne peut obtenir quelque chose avec des mots que s’ils traduisent correctement la situation concrète, celle dans laquelle chacun se trouve dans l’impérialisme ; qu’il est absurde de vouloir faire de l’agitation avec des mots, alors que seule l’explication sensibilise, la vérité – et que, dans le milieu dans lequel nous combattons – état postfasciste, culture de consommation, chauvinisme impérialiste, manipulation de masse par les médias, guerre psychologique, social-démocratie – que devant la répression à laquelle nous sommes confrontés ici, l’indignation n’est pas une arme. elle est bornée et purement stérile. celui qui est vraiment indigné, donc concerné et mobilisé, ne crie pas, mais réfléchit à ce qu’il peut faire.

c’est de l’SPK-isme – remplacer la lutte par des cris. ce n’est pas seulement écoeurant, ça te laisse crever dans l’isolement, parce qu’on n’oppose à la répression matérielle brutale que de l’idéologie, au lieu de lui opposer un effort intellectuel, qui demande aussi un effort physique.

armer les masses – c’est encore avant tout le capital qui le fait : les flics, l’armée et l’extrême-droite. donc avant de glorifier les masses en allemagne, ou les “masses” tout court, réfléchis bien à ce qui se passe effectivement ici. en 1922, ho chi minh écrivait dans l’humanité : “la masse est fondamentalement prête à la rébellion, mais complètement ignorante. elle veut se libérer, mais elle ne sait pas par où commencer.” ça n’est pas notre situation.

ce à quoi nous réfléchissons ici actuellement le plus, c’est comment transmettre les expériences, en partie horribles, que nous avons faites dans l’isolement et qui se traduisent par : trahison, capitulation, autodestruction, dépolitisation, afin que vous n’ayez pas à les refaire. donc s’il est exact que dans la guérilla chacun apprend de chacun, il doit être possible de transmettre les expériences – à condition seulement de comprendre la collectivité en tant que processus – là-dedans des histoires d’autorités, dans lesquelles des personnes se font institutionnaliser, sont un antagonisme. collectivité en tant que processus signifie lutter ensemble – contre la machine, c.à.d. réellement et non dans l’imaginaire.

le 23 mars 1976

ça c’est débile : “psychiatrie” dans la cour. la ligne à ossendorf, comme partout, c’est de détruire, et les psychiatres y participent, autant que les méthodes qu’applique la sûreté de l’état sont conçues par des psychiatres. la psychiatrie, comme la science impérialiste en général, est un moyen, pas une fin. la psychiatrisation est une méthode de la guerre psychologique, utilisant le combattant détruit pour montrer l’absurdité de la politique révolutionnaire, pour enlever aux combattants leur crédibilité. c’est aussi une méthode de la tactique policière – pour éviter une possible “libération par la force” comme disait buback et par là sa pertinence militaire : le recrutement.

par contre, ce que fait bücker, ce n’est pas de la psychiatrisation – c’est de la terreur. il veut vous user. avec des notions de thérapie, de tentatives de lavage de cerveau tu es à côté de la plaque là, tu introduis une transmission là où l’attaque est frontale.

la méthode ossendorf, c’est la méthode taule en général, mais avec, à ossendorf, la perfection de la construction et de la conception de l’application des peines qu’elle incarne et que bücker et lodt personifient : donc aseptique, totale. on coupe l’air au prisonnier afin qu’il perde finalement sa dignité, sa conscience de soi et le sens de ce qu’est la terreur.

l’idée, c’est de détruire. la psychiatrisation n’en est qu’un moment et un instrument parmi d’autres. si tu te laisses paralyser par elle comme le lapin devant le serpent, tu risques de ne pas voir ce qui se passe en plus de ça autour de toi.

“pas de fenêtres” – biensûr. mais là tu t’excites encore par rapport à l’isolation, le sadisme avec lequel elle a été conçue, la perfection dans son application, la totalité de la volonté de destruction de la part de la sûreté de l’état, la stupéfaction devant l’acuité de l’antagonisme dans lequel nous sommes entrées en luttant, et ainsi, la stupéfaction de voir que le fascisme règne effectivement ici. que ce n’est donc pas seulement une affirmation de notre part, mais la notion exacte du caractère de la répression qui te frappe quand tu commences à faire de la politique révolutionnaire dans ce pays.

ils ne peuvent psychiatriser personne qui ne l’accepte/veuille pas. jeter les hauts cris sur la psychiatrie ne fait que mystifier l’isolement. l’isolement est effective – c’est contre elle qu’il faut lutter et naturellement il vous faut vous affronter aux chicanes de bücker. donc exiger : qu’il n’y ait pas de contrôle acoustique, seulement un contrôle visuel de surveillance, comme à stammheim. ici naturellement ça a été aussi une lutte pour obtenir que le flic qui venait nous écouter parte, que nous puissions nous asseoir par terre, etc. de soi, il n’y a que la répression qui marche. c’est pourtant clair.

t’es aussi une salope. tu sors de ta boîte à ouvrage le mot d’ordre concentration et comme ligne directrice prisonniers de guerre comme si cela pouvait être une menace – contre müller. c’est de la foutaise. nous devons viser la concentration et l’application de la convention de genève mais qu’attends-tu de müller ? nous les combattons et ce combat ne prendra jamais fin et ce n’est pas eux qui nous faciliteront les conditions de lutte. évidemment si tu ne raisonnes qu’au niveau de la morale bourgeoise, tu vas bientôt manquer de munition. c’est débile. alors fais bien attention à toi – parce que personne ne peut le faire à ta place dans l’isolement. bernd pas non plus.

Hanna Krabbe – membre du Commando Holger Meins, 21 ans en prison

Brandt – ancien Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne

SPK – Collectif Socialiste des Patients

Bücker – Directeur de la prison de Cologne-Ossendorf

Müller – membre du personnel de la prison de Cologne-Ossendorf

Bernd – Bernd Roessner, comme Hanna issu du SPK, 17 ans en prison

Lettre aux prisonniers à Hambourg

le 13 avril 1976

nous la trouvons quand-même et surtout insupportable – cette position de classe avec laquelle tu te gonfles là. ce n’est pas une question de définition non plus. parce que la lutte s’y trouve éliminée, donc l’essentiel. elle n’existe pas. elle est un piédestal qui n’a pas beaucoup à voir avec ce que nous voulons. ce que nous voulons, c’est la révolution. c’est-à-dire il y a le but et par rapport au but la question n’est pas une position, mais seulement d’être le mouvement, la lutte, le rapport – alors, comme tu dis : combattre.

il y a la situation de classe : prolétariat, prolétarisation, déclassement, avilissement, humiliation, expropriation, servitude, misère.

dans la pénétration totale de tous les rapports par le marché dans le système impérialiste, et dans le processus d’étatisation de la société par les appareils d’état idéologiques et répressifs, il n’y a pas un lieu ou un moment où tu puisses dire : voilà d’où je pars. il y a la clandestinité et des territoires libérés, mais tu ne la trouves pas non plus toute faite, la clandestinité en tant que position offensive d’intervention révolutionnaire, elle est elle-même un moment de l’attaque, c’està-dire non-existant sans elle.

la position de classe, c’est la politique extérieure soviétique et le modèle d’accumulation soi-disant socialiste de l’urss qui prétendent être issus de la position du prolétariat mondial. c’est la position – l’apologie – du socialisme dans un seul pays, et cela signifie : une idéologie qui vise à maintenir la domination d’une dictature qui ne se définisse justement pas d’une manière offensive contre l’impérialisme, mais défensivement, à partir des contraintes de l’encerclement. tu peux dire que la politique intérieure et extérieure soviétique a été nécessaire historiquement – mais tu ne peux pas reproduire son absolutisation comme une position de classe.

la position de classe, alors l’intérêt, le besoin, la mission de la classe de lutter pour le communisme afin de pouvoir vivre, est contenue dans sa politique. je dirais : dépassée en elle. ce qui est ridicule. Position et mouvement s’excluent l’un l’autre. c’est une construction de secours et de justification – une prétention. elle prétend dériver la politique de classe de l’économie – ce qui est faux. la politique de classe est le résultat de son affrontement avec la politique du capital ; la politique du capital est une fonction de son économie. ce que, à mon avis, poulantzas saisit fort bien quand il dit que les fonctions économiques de l’état font partie de ses fonctions répressives et idéologiques – la lutte des classes.

la politique de la classe, c’est son combat contre la politique du capital, et non pas contre l’économie, qui, directement ou par l’intermédiaire de l’état, la prolétarise. la position de classe du prolétariat, c’est la guerre – c’est une contradiction in adjecto, de la connerie. l’union soviétique radotte beaucoup sur la position de classe parce qu’elle essaie de faire passer sa politique d’état pour une lutte de classe. je dirais que c’est la capitalisation de la politique extérieure soviétique. ce qui veut dire qu’ils peuvent être des alliés dans le processus de libération, mais pas protagoniste. le protagoniste n’a pas de position – il a un but. mais la “position de classe” a toujours été une matraque – la prétention et l’octroi, par le biais de l’appareil du parti, d’une notion de la réalité qui ne correspond à aucune réalité vécue ou vivable. elle prétend une position de lutte sans lutte de classes. comme tu le dis : “à partir de laquelle” seulement qu’il va falloir agir, et non pas qu’on agit déjà.

en 1969, c’étaient les groupes ml, ksv, ao, qui avec leur “position de classe”, ont dépolitisé le mouvement politique dans les universités, en prétendant juste une politique qu’aucun étudiant ne pouvait plus suivre émotionnellement. c’était une position de liquidation contre la contestation anti-impérialiste. et je pense que c’est ça l’horreur de cette notion et de son contenu, à savoir qu’il élimine la possibilité d’une identification émotionnelle avec la politique prolétarienne – c’est un catéchisme.

nous ne partons justement pas d’une position de classe, quelle qu’elle soit, mais de la lutte des classes, en tant que principe de toute l’histoire, et de la guerre des classes en tant que réalité dans laquelle la politique prolétarienne se réalise, et cela – comme nous l’avons pigé dans la pratique — seulement dans et par la guerre. la position de classe ne peut être que le mouvement de la classe dans la guerre des classes, le prolétariat mondial armé en combat, ses avantgardes réelles, les mouvements de libération. ou comme le dit jackson : “connections, connections, connections”. donc mouvement, interaction, communication, coordination, lutter ensemble – stratégie. tout ça est paralysé dans la notion de la “position de classe”, et c’est comme ça que tu l’utilises aussi, quand tu cherches à en convaincre igel. mais ça – tu devrais savoir depuis longtemps qu’il n’y a rien de plus chiant que le bourrage de crâne.

enfin : la position de classe est une position triomphaliste. biensûr – elle a aussi quelque chose d’héroïque. seulement ce n’est pas ça notre truc, le nôtre c’est l’effet.

mais assez. j’ai l’impression de parler dans le vent, ce qui n’est pas mon intention. ce que je cherche, c’est à te tirer de ton piédestal. alors mieux, tu descends une fois. au lieu de fanfaronner.

ML, KSV, AO – groupes maoistes de l’époque

Jackson – George Jackson, membre des Black Panthers en prison

Igel – Wolfgang Beer, un des prisonniers à Hambourg, mort en 1980

Extrait de la déclaration des prisonniers au procès de Stammheim

janvier 1976

faire des proclamations n’est pas notre truc – et de toute façon elles n’auraient aucun sens devant le pseudo-public qui assiste à ce procès – l’opinion publique déformée, corrompue et totalement manipulée qui (comme le dit wunder) laisse observer.

le problème – et c’est aussi un élément de ce spectacle pitoyable, c’est pourquoi il se déroule dans ce bâtiment et à stammheim au lieu dans une ville où la gauche légale pourrait organiser un minimum d’information – c’est que, dans le fond, personne ici n’est prêt à écouter ce que nous disons, autrement que pour des sensations banales, des oreilles d’indic ou du marché. ce marché est incapable d’en comprendre le contenu, et là où il s’agit de notre extermination politique même pas les faits. si l’opinion publique bourgeoise qui est admis, ou qu’on laisse observer ici, avait encore une fonction de contrôle, ce procès serait impossible. son projet dans le verbiage des hommes politiques, dans le caractère militaire de la mise en scène de ce procès et dans ce serpent corrompu qui est là devant – ce projet d’autoreprésentation impériale qui marque chaque détail de ce spectacle pitoyable est démagogique. et il a été développé à partir d’une campagne diffamatoire de cinq années de guerre psychologique.

nous combattons sur un terrain qui est totalement organisé jusque dans les moindres détails, et je ne veux pas encore une fois les dénombrer. chacun sait désormais qu’ici tous les moyens illégaux de nous rendre incapables de nous défendre ont été essayés et appliqués, et le sont encore, car dans l’esprit de la justice militarisée cela revient au même, incapables qu’ils sont de faire la moindre articulation politique dans cet affrontement que l’état doit craindre, mais c’est autour d’elle que tout tourne. de même qu’elle fait apparaître le caractère révolutionnaire de l’affrontement, elle définit la tentative de l’état d’en finir, tout cet énorme effort de mobilisation réactionnaire qui a cherché à s’exprimer jusque dans l’architecture – de manière contre-révolutionnaire, en tant que guerre de classes.

c’est pour cela que nous sommes ici. nous menons ce procès, ou nous avons essayé de le mener, pour montrer et interpreter la faiblesse de l’état dans la démonstration de sa force, dans ces mesures pitoyables et le fait que l’état est contraint ici de disputer sa légitimité “par tous les moyens” (schmidt l’a répété assez souvent) à quatre prisonniers.

l’argument d’une explication scientifique de notre politique (qu’on pourrait faire aussi en ce moment, je crois) est une absurdité dans cette situation. notre intérêt ne peut qu’être l’élaboration d’un concept – expérience et analyse – dont la publication ne pourra pas être empechée par le parquet fédéral. nous nous sommes prononcé contre une présentation complexe, une notion profonde de la stratégie révolutionnaire, maintenant, à ce moment, pour trois raisons :

ulrike :

prinzing nous interromprait de toute façon, parce que cela demanderait trop de temps et parce qu’il conçoit son job comme juge de la sûreté de l’état de manière à empêcher tout contenu politique dans ce procès. deuxièmement – le texte sera analysé. c’est l’expérience et nous ne sommes pas sûrs, en donnant une reconstruction de déterminations stratégiques, de ne pas livrer des armes à la sûreté de l’état sans en même temps pouvoir les mettre à la disposition de l’organisation d’une politique révolutionnaire. finalement – et ceci est aussi important –, nous ne parlons que pour les prisonniers à partir de leurs discussions et pour nous-mêmes. nous ne parlons pas pour les groupes qui combattent dans la clandestinité. et on doit dire dans ce contexte : la continuité de la guérilla urbaine, la continuité de son offensive révolutionnaire, ne se réalise que dans son action, très peu dans une proclamation de ses prisonniers.

vouloir donner le développement complexe de l’ensemble – ce serait déjà une erreur, parce que le spectacle ici est sans signification pour le processus de développement de la guérilla urbaine.

nous pensons aussi que la tentative d’une explication scientifique présuppose un consensus minimum – celui de l’argumentation. alors que l’absence de consensus éclate ici de façon si manifeste et si brutale, ne serait-ce que par les mesures misérables que prend prinzing pour faire obstacle à ce texte – une explication serait une contradiction en soi. sans compter même que ce tribunal a démontré depuis des mois son incapacité et son refus à suivre une argumentation sur le contenu.

la conception scientifique de notre politique, sa fondation théorique uniquement sur les bases de l’analyse de 1970 serait également totalement absurde devant ce tribunal. elle ne serait révélatrice que pour les analystes de la sûreté de l’état – alors que cinq ans de guérilla urbaine ont suffisamment prouvé son évidence.

faire une déclaration, cela signifie aussi toujours vouloir défendre quelque chose contre la machination brutale qui s’exerce ici – mais ce serait alors entrer dans son jeu de la présenter — tout comme s’il s’agissait de présenter une confession – une déclaration est une interaction qui nous obligerait à entrer dans le jeu de ce tribunal, de ce spectacle. cela est impossible – même tactiquement – et c’est devenu encore plus impossible depuis ces trois dernières années. Ce procès ne nous concerne pas dans son contenu. ce qui nous concerne, ce sont ses critères et la possibilité de les expliquer. andreas a déjà dit pas mal de choses à ce sujet, et lors de la production de preuves nous en dirons certainement bien plus encore – c’est à voir.

maintenant, andreas parlera, ou nous parlerons, brièvement – enfin de façon relativement brève selon les lignes de notre discussion – après que zeis nous a fauché juste avant le procès nos projets écrits ainsi qu’un manuscrit important (du moins théoriquement) – de deux aspects de la chose :

  1. la nécessité de notre politique à partir d’une détermination historique et, concrètement, du processus de résistance qui a permis, il y a cinq ans, le développement de la raf ; et, à partir de cela :

  2. la possibilité en tant que fragment du fragment de la planification du processus révolutionnaire que la guérilla urbaine anticipe en tant que tactique.

vu le niveau d’abstraction que le procès a désormais atteint grâce au comportement borné de prinzing qui entend maintenir une procédure normale, nous n’avons vraiment pas d’autre choix que de lui opposer nos propres abstractions. il faut qu’on comprenne bien ici que ce n’était pas dans notre intention au début, que notre plan n’était pas non plus de nous affronter à ce procès avec des contenus de politique révolutionnaire, en les présentant ici seulement comme à un séminaire. nous pensions plutôt à une ou plusieurs brèves déclarations et notre projet était de concrétiser les contenus lors de la production des preuves. voilà pour notre conception de la mise en scène. depuis, il s’est avéré que, premièrement nous ne pourrons vraisemblablement pas tenir ce projet à cause de notre état de santé – ce qui doit correspondre vraisemblablement au plan de prinzing, puisqu’il s’est battu et se bat encore par tous les moyens pour nous mettre dans l’incapacité de nous défendre, et par la réglementation “finale” – comme il dit – des conditions de détention par laquelle notre capacité de comparaître doit être gelé et par la suite aggravé – et deuxièmement, parce que prinzing l’empêcherait directement en escamotant par exemple des requêtes lors de la production des preuves, comme – et il faut bien insister sur ce fait – il l’a déjà fait (il les a toutes refusées depuis six mois). ce qui signifie tout simplement que les actions et l’ensemble de notre politique ne sont pas représentables, pas véhiculables au travers de la production des preuves. nous allons de toute façon donc essayer de l’expliquer dans le cadre d’un procès, en passant effectivement par le rituel d’une déclaration – de façon fragmentaire – qui suivra les grandes lignes de notre analyse. mais encore, pas mal de documents importants là-dessus nous ont été raflés par le parquet juste avant le procès.

andreas : la déclaration maintenant est donc marquée par ces conditions de travail absurdes, et elle ne peut se faire que si nous ne sommes pas interrompus. si prinzing nous interrompt trop, nous l’arrêterons – parce que nous n’avons qu’un manuscrit partiel, et parce qu’en outre, nous n’avons pu en discuter que très peu de temps ensemble. nous comptons la publier un jour ou l’autre une fois qu’elle sera structurée de façon plus claire.

toute notre tentative de rendre cela disponible à travers un protocole est déterminée par la discussion internationale de la gauche militante antirévisionniste en europe, et pas seulement en europe. nous démontrerons que l’encerclement et l’intégration totale des organisations traditionnelles de la classe par et dans la politique du capital en allemagne sont déterminés historiquement, et nous essaierons de démontrer que ce processus ne peut être brisé qu’à l’échelle internationale, par la reconstruction politique internationale du prolétariat ; la stratégie de la classe à partir des conditions du développement du capital. la guérilla dans les métropoles est l’expression consciente, l’interprétation, la tentative subjective et consciente de transmettre cette reconstruction dans et à partir de sa dimension internationale.

pour décrire cela et pour le faire comprendre, nous sommes obligés d’entrer également dans les catégories économiques, car elle ne peut être développée, même de façon fragmentaire et abrégée, qu’à partir du concept de la tendance objective (tendance non sur le niveau conceptuel de schmidt mais de marx – grundrisse).

évidemment, cela est inhabituel, et je n’ai encore jamais entendu dire qu’une chose semblable ait été tentée dans un procès politique. mais ce n’est pas seulement par réaction aux tentatives plates et démagogiques de nier tout contenu politique dans ce procès – le crime, comme sartre l’a dit, je crois, consiste à vouloir nous traiter comme des criminels – même si nous n’avons pas de problèmes avec ça, puisque la politique révolutionnaire, et pas seulement révolutionnaire, mais toute tentative d’opposition démocratique et sociale dans cet état doit être assimilée à un crime et l’est effectivement, et, d’autre part, parce que nous n’avons aucun problème avec cette forme de résistance que la justice de classe appelle la criminalité de droit commun. c’est plutôt une tentative pratique de briser la censure et l’illégalisation de nos textes ; ce que nous disons ici, dans sa forme actuelle, peut être publié de toute façon. au moins nous l’essayons, bienque buback trouvera certainement des moyens de saboter cela. (c’est justement pour cette raison que nous n’avons pas de concessions à faire à ceux qui écoutent ici.)

un fait est que, pour le dire encore une fois, nous sommes tous (c.à.d. tous les prisonniers) sûrs que les circonstances confirmeront notre analyse et notre pratique, comme elles les ont déjà confirmé pendant ces cinq années. nous avons fait des erreurs, mais on peut dire que c’étaient des erreurs objectivement nécessaires vu la faiblesse de la politique prolétarienne en allemagne fédérale.

et – si ce texte pourrait faire croire le contraire – il n’y a pas dans la raf de séparation entre théoriciens et praticiens – donc cette sorte de division de travail, d’exploitation et cette sorte de structure hiérarchique que la guerre psychologique projette sur nous. cela a toujours été parfaitement clair pour chacun de nous, et il n’y a jamais eu de malentendu sur la question de savoir comment les charges, les problèmes et la structure d’un groupe qui s’organise et lutte dans la clandestinité doivent être compris et déterminés. notre estimation de sa nécessité n’a pas changé. en revanche nous avons appris que la clandestinité est la seule région libérée dans la guerre des classes où des relations humaines soient possibles. nous avons appris à connaître de façon subjective sa dialectique émancipatrice et libératrice. il ne reste pas grand’chose à dire ici sur le processus d’apprentissage, de la radicalité existentielle de la structure collective – enfin peu de choses – car ce qui s’est passé entretemps, c’est que la réaction de l’état impérialiste, de la social-démocratie impérialiste du spd, la contrepropagande et la répression brutale de la sûreté de l’etat contre nous, se sont retournées en propagande pour nous une fois ramenée à leur signification – celui de la contre-insurrection. il fait apparaître la dimension et la pertinence qu’a la politique prolétarienne dans cette phase de défense stratégique de l’impérialisme, qu’a l’attaque de petits groupes armés clandestins qui déterminent leur stratégie contre le capital américain et l’état impérialiste, et ceci dans le cadre international des luttes de libération anti-impérialistes.

ulrike :

il y a quelque chose à dire sur la structure de direction du groupe, parce que les personnalisations de la guerre psychologique en tant que méthode de diviser le prolétariat – elle personnalise la politique révolutionnaire pour empêcher qu’elle soit comprise comme la politique de la classe – est en même temps le terrain de propagande pour la liquidation physique de combattants particuliers.

l’isolement était destiné à briser le groupe, et le plan du parquet était de me crétiniser d’abord dans l’aile morte, puis par une intervention stéréotaxique, tandis qu’andreas dans le même temps, c’est-à-dire en été 1973, devait être assassiné par la suppression de l’eau lors de notre grève de la faim. nous avons démontré cela ici même en citant les faits, et nous n’exagérons en rien. holger a été assassiné, parce qu’il avait une fonction directrice dans le groupe, c’est-à-dire parce qu’il était un élément d’orientation à l’intérieur du groupe.

la guérilla est une organisation de cadres – le but de son processus d’apprentissage collectif est l’égalité des combattants, la collectivisation de chaque individu, son aptitude à l’analyse, à la pratique, à l’indépendance et la capacité qu’il acquiert de construire lui-même un noyau armé et de tenir ouvert le processus d’apprentissage collectif. c’est andreas qui a lancé ce processus dans la raf, et andreas a été dès le début dans la raf ce que chaque combattant veut être et doit être : la politique et la stratégie dans la personne de chaque individu. le guérillero est le groupe. son processus collectif en tant que processus soumis à la mécanique de la structure impérialiste hiérarchique, et l’objectivité, la nécessité du bouleversement en tant que volonté individuelle et spécifique, c’est ce que wunder veut exposer ici sous le terme de « motivation politique ».

(une infamie copieuse que le représentant d’une administration, qui représente ici directement les intérêts du capital américain et de l’armée américaine avec ses 125 bases militaires et 7.000 ogives nucléaires sur le territoire allemand, s’imagine pouvoir encore capitaliser la lutte armée contre le capital américain et l’état impérialiste.)

direction dans la guérilla est la fonction qui transmet le rapport entre subjectivité et nécessité, volonté et objectivité dans la pratique du groupe, sa structure et son action. elle se développe à partir du processus du groupe, de la contrainte complexe de la lutte dans la clandestinité en transmettant les processus collectifs d’apprentissage et de travail, de l’initiative de chaque individu dans le processus collectif, en tant qu’initiative à partir de la pratique et pour elle. sa fonction spécifique est de rendre possible la continuité du processus d’apprentissage, de l’expérience, de l’interaction, de la capacité d’agir de l’organisation contre toutes les frictions dont les causes sont aussi bien intérieures qu’extérieures. direction et collectivité ne sont pas en contradiction dans la guérilla – elles tirent leur identité de la façon dont chaque individu, et donc le collectif, et donc sa direction, définissent le but : la liberté, libération, et aussi à partir de l’expérience qu’a chaque individu de ce que la vie et la subjectivité ne sont possibles que dans la lutte armée anti-impérialiste ; que la lutte armée dans la clandestinité est, dans l’impérialisme, la seule possibilité d’activité pratique critique.

elle est une fonction qui ne constitue pas le groupe, mais qui naît dans le processus de sa constitution. elle ressort de sa pratique et aussi de son processus collectif, et elle reste attachée, comme une charge, à celui à qui elle a été attribuée en raison de sa capacité d’anticipation et de sa décision de tenir le processus collectif ouvert. et c’est toujours – c’est notre expérience – celui ou ceux pour qui la direction n’est pas un besoin. besoin qui, dans l’impérialisme, ne peut jamais être que le besoin de domination.

pour être brève, je dirais que direction dans la guérilla est initiative, interaction et toujours, à chaque moment, l’insistance sur le primat de la pratique, de la politique en tant que politique prolétarienne, l’action – contre la tendance à la reproduction de structures impérialistes comme la domination, la schématisation, la systématisation dans la division du travail, la concurrence, et les réflexes irrationnels à partir de la solitude et l’angoisse.

cette fonction, c’est andreas qui l’assume dans la raf, parce qu’il transmet dans la raf la politique prolétarienne – qui est l’insurrection – en tant que direction, avec la fonction de la rendre pratiquement – c’est-à dire par la pratique collective – superflue. en tant que conception du particulier dans le général, du possible dans le nécessaire, du subjectif dans l’objectif, de la théorie pour la pratique. c’est pour cette raison que c’est andreas que le parquet, ce tribunal, l’office fédéral de la police et le gouvernement haïssent le plus. pour eux, il s’agit d’exterminer ce qui est nouveau, l’être humain nouveau, la société nouvelle dont la guérilla dans l’identité de pouvoir, de subjectivité, de processus d’apprentissage et de pratique, est l’embryon.

la guerre psychologique doit personnaliser, parce qu’elle ne peut pas attaquer ce qui constitue la guérilla – la lutte collective dans l’illégalité contre l’état – sans faire en même temps de la propagande pour la politique de la guérilla, sa liberté, qui est sa liberté de combattre. elle doit personnaliser pour présenter le moment central de sa liberté, la clandestinité et donc sa capacité d’action, comme absence de liberté.

mais lorsque herold dit : « des baader et des meinhof », ce pluriel montre aussi que ce que la méthode de personnalisation devrait faire apparaître – à savoir faire passer l’action de la guérilla pour une affaire d’individus – n’a pas marché. évidemment herold ne peut comprendre ce qu’est un collectif. mais ce que son pluriel reflète, c’est que nous sommes nombreux à lutter à partir de la nécessité objective qui est matérielle. direction — cela veut dire aussi faire jouer la dialectique de la possibilité et de la nécessité : avec la nécessité de combattre augmente également la possibilité de combattre, c’est-à-dire de s’organiser, de mener des offensives et de les réussir.

ainsi, direction a aussi, subjectivement, une fonction d’encouragement, et elle est un élément de mobilisation. Sa fonction exclut son institutionnalisation, elle dépend de l’interaction collective du groupe, tout autant que le groupe dépend d’elle. elle exclut toutes les structures mortes et si meurtrières des bureaucraties impérialistes, de façon radicale. et ceci à partir d’une dialectique simple : autant l’organisation de l’armée est le prototype de la structure impérialiste, et cela veut dire de l’aliénation, autant dans la guérilla en tant qu’organisation militaire pratiquant une politique prolétarienne, cette aliénation est forcément totalement abolie ; elle est abolie par la politique – ou elle l’est progressivement dans un processus continu. la politique de la guérilla determine sa capacité d’action — elle est sa possibilité. mais on peut dire que désormais la contrepropagande qui a personnalisé andreas selon le prototype de la structure impérialiste, a échoué. ce qu’elle fait apparaître dans toute l’étendue de cette campagne diffamatoire, c’est en fait la force de la subjectivité, la force de la politique prolétarienne – et nous savons que depuis longtemps ce nom signifie rébellion ; que la propagande de la sûreté de l’etat contre nous a fait de ce nom, pour beaucoup de gens, l’exemple qu’andreas est pour nous : un exemple de ce que mao appelle “la politique est le commandeur”, sous-entendu : la politique prolétarienne, la politique de ceux qui ne possèdent rien.

la rationalité de l’affirmation selon laquelle la raf aurait commencé politiquement, mais qu’ensuite elle se serait dépolitisée, signifie que la sûreté de l’état n’a pas trouvé de faille pour elle dans la raf, que la raf avait dès le début, grâce à andreas, une conception politique révolutionnaire – celle dont parle la deuxième thèse de feuerbach : “la question de savoir si la vérité concrète appartient à la pensée humaine n’est pas une question de théorie, mais une question pratique. dans la pratique, l’être humain doit prouver la vérité, c’est-à-dire la réalité et le pouvoir, la matérialité de sa pensée. la controverse sur la réalité d’une pensée qui s’isole de la pratique est une question purement scolastique.” andreas est poursuivi en tant que prototype de cette politique, parce qu’il incarne l’unité entre l’analyse, la collectivité et l’action.

la théorie révolutionnaire est théorie critique. là où nous l’avons formulée pour la publier, nous l’avons définie comme une arme, et nous l’avons toujours liée à des problèmes clairement définis de pratique de la lutte dans la clandestinité. la théorie qui n’est pas liée à la pratique, donc qui n’explique pas pour nous notre situation et qui ne nous montre pas la possibilité de la changer, ne nous a jamais intéressé. donc ce genre de théorie dont parle la guerre psychologique, lorsqu’ils nous ont caricaturés, mahler et moi, en “théoriciens de la raf” – n’est que du journalisme à sensation ou de l’affabulation aliénée utilisant l’appareil conceptuel marxiste dans la compréhension fausse des ML qui le transforment en dogme – par souci d’avoir raison, comme mahler l’a fait dans sa brochure la lutte armée en europe occidentale. les écrits théoriques de la raf étaient des journaux dont le but était de convaincre des gens qu’il est juste et pourquoi il est juste de soutenir la guérilla urbaine. nous les avons définis comme des armes, parce que tout ce qui est utile à la lutte armée dans la clandestinité est une arme.

parler d’andreas signifie parler de nous, parce que, quand nous disons que la fonction de direction est pratiquement – par la pratique collective – de la rendre superflue, cela signifie que la guérilla est une organisation politico-militaire, et doit l’être en tant qu’organisation clandestine, si bien que chacun devient en fait la direction, ou doit être capable de la devenir. ce qui veut dire, devenir capable d’apprendre – dépasser les expériences, celles de soi-même, celles du groupe, celles des mouvements de libération du tiers monde ; et que chacun soit capable de transmettre les expériences. même l’apprentissage n’est possible que dans la lutte contre l’état, contre sa méthode de campagnes diffamatoires, de mensonges et d’injures, contre la structure de socialisation et d’endoctrinement impérialiste, et cela n’est possible que collectivement et uniquement avec pour but d’aboutir à l’action armée.

la direction collective, si l’on se réfère à gramsci, signifie que le projet doit être compris par chacun dans la guérilla, pour que chacun reconnaisse sa tâche dans la réalisation et l’exécution comme une fonction du tout – que le projet qui décide d’une action laisse prévoir ses conséquences positives et négatives, l’approbation et la réaction, et qu’il contient déjà en lui les réponses, qu’il ouvre donc un champ à l’organisation. voilà ce qu’est le rapport entre la théorie et la pratique.

andreas :

le projet de personnalisation de la politique révolutionnaire dans la guerre psychologique a pour but – et constitue ainsi, dans le domaine de la propagande, l’équivalent de la torture par isolement qui vise à désocialiser les combattants – de dépersonnaliser les combattants, de faire passer, en dépersonnalisant les combattants, l’action révolutionnaire, qui est toujours (peu importe comment elle est transmise) comprise par les masses, pour un corps étranger dans la société. la personnalisation a pour but de faire passer l’état d’exception révolutionnaire pour la vie quotidienne impérialiste dans sa brutalité, pour retourner contre la guérilla la haine latente des masses envers l’état, envers le parasitisme étatique, des appareils répressifs et idéologiques d’état se composant du parquet fédéral, de la justice, de la police, etc, machine parasitaire qui ne dévore que du surplus. elle a pour but de décourager le peuple devant l’état d’exception dans lequel il vit, de le décourager à le transformer en un véritable état d’exception, c’est-à-dire en état d’exception en sa faveur. mais précisément parce que cette machine ne peut faire que de projeter, elle est incapable de percevoir autre chose que son propre reflet et de produire autre chose que sa reproduction. la merde qu’elle a soulevé avec la guerre psychologique lui retombe forcément sur les pieds.

bref : direction – ce qu’elle devrait être, c’est la notion concrète de la situation et son dépassement : les buts et leur transmission dans la structure du groupe/de l’organisation en lutte. simplement : dans la nécessité (c’est l’histoire qui produit le concept, et par là, l’histoire du groupe et de chacun dans sa notion : lutte révolutionnaire) – dans la nécessité de l’antagonisme dans lequel nous plaçons notre politique et nousmêmes en combattant, donc sa violence et sa contrainte complexe pour chacun, la liberté, libération, est possible.

ulrike :

dans ce contexte – guerre psychologique – il y a l’idée débile de wunder selon laquelle andreas n’aurait jamais travaillé en usine – parce qu’elle démontre comment dans la guerre psychologique l’anticommunisme pseudo-scientifique usurpe l’histoire, les préjugés et des structures existantes dans le but de les figer. son allégation est fausse. andreas a appris et compris dans l’usine, dans la rue, dans la prison. la déformation des faits relève bien de la guerre psychologique, qui prétend aussi par exemple que la raf est un groupe de mecs et de nanas appartenant aux couches supérieures de la classe moyenne, issus d’une socialisation bourgeoise. si l’on tient à faire de la sociologie, on peut dire que la moitié d’entre nous vient d’un milieu prolétarien – école élementaire, apprentissage professionnel, usine, foyer de mineurs, prison. l’affirmation nie, mais certaine-ment aussi par ignorance, qu’avec la troisième subordination réelle au début des années 1960, les processus de prolétarisation et de déclassement ont augmenté en masse. la massification et technocratisation des universités, la concentration des media etc – ça a été une condition intérieure de la mobilisation dans les universités à partir de 1966. la condition extérieure, ce fut la guerre américaine au vietnam. cette affirmation essaie de ne pas voir également le fait que tous les combattants de la raf ont appris et travaillé dans les projets de base de la nouvelle gauche depuis pâques 1968. c’est le combatmême qui prolétarise les combattants.

l’absence de propriété et – ceci est la conception du parti coréen – du rapport prolétarien dans la lutte pour le communisme, le “djoudje”, caractérise le prolétariat en tant qu’antagoniste de l’impérialisme, c.à.d. comme sujet de libération. ce n’est pas une notion sociologique du prolétariat. une telle notion ne nous intéresse même pas. “prolétariat” n’est pas une notion qui sort de la doctrine génétique des fascistes – il signifie un rapport. le rapport de la guérilla au peuple renvoie au rapport du prolétariat à l’état impérialiste, le définit comme ennemi mortel, comme antagoniste, comme guerre de classes. prolétariat est une notion de lutte.

sartre dit : “il est vrai que le prolétariat porte en lui-même la mort de la bourgeoisie ; il est vrai aussi que le système capitaliste est secoué par des contradictions structurelles ; mais ceci n’implique pas nécessairement l’existence d’une conscience de classe ou d’une lutte de classes. pour qu’il y ait conscience et lutte, il faut se battre.”

mais d’où vient l’affirmation de wunder ? veut-il dire que arbeit macht frei (le travail libère) ? donc le camp de concentration. ou veut-il parler de l’éthique protestante du travail ? donc – je cite – “le travail comme la source de toute richesse et de toute culture” du programme de gotha avec laquelle la vieille social-démocratie, lors de la grande crise de chômage en 1930, n’a rien pu faire d’autre que de céder finalement le pouvoir politique aux fascistes – alors qu’elle l’avait perdu depuis longtemps (parce qu’elle ne l’avait jamais arraché au ministère de la guerre). à ce propos, à propos de la conception mystifiée du travail du programme de gotha, marx dit de façon brève et sèche : « que l’être humain qui ne possède d’autre proprieté que sa force de travail, est obligé d’être, dans toutes les formes de société et de civilisation, l’esclave des autres êtres humains qui se sont rendus propriétaires des conditions de travail matérielles. »

marx en déduit la nécessité économique et le droit politique des travailleurs de quitter l’usine, de s’armer et de combattre l’état. et c’est uniquement pour cela que nous nous référons ici à marx, parce qu’il a expliqué de façon scientifique la nécessité de l’insurrection, la lutte de classes comme guerre de classe contre le réseau parasitaire des appareils répressifs et idéologiques, contre l’état bourgeois.

ce verbiage n’est que du cynisme. alors qu’il y a plus de quatre percent, c.à.d. plus d’un million de chômeurs en allemagne, et presque cinq millions en europe occidentale, la réponse social-démocrate à cela est son propre projet fasciste de

« sécurité intérieure », l’intégration des appareils répressifs d’état en europe occidentale sous le commandement du monopole de l’information tenu par le bka, ainsi que l’intégration des appareils de sécurité intérieure et extérieure dans le cadre de l’otan, donc sous le commandement du pentagone.

(nous en reparlerons – la fonction politique de la social-démocratie pour le capital américain, de son projet de fascisme et de la stratégie institutionnelle du nouveau fascisme.)

le pays légal n’est pas le pays réel, et dans la même mesure, la vie réelle des travailleurs n’est pas à l’usine. le parquet sympathise naturellement avec l’esclavage du prolétariat dans les usines, et wunder fétichise, même très logiquement, le travail en usine, pour masquer la machine de sûreté de l’état parasitaire, parce que si les travailleurs n’allaient plus à l’usine, c’est-à-dire à cette usine dont il est forcément question ici : où le travail est sous le commandement du capital, toute la clique des fantoches de la sûreté de l’etat, là en face de nous, n’aurait plus rien à bouffer. (et wunder, en tant que vieux social-démocrate, c’est-à-dire en tant que vieux rat social-démocrate, sait évidemment que c’est au terme de notre lutte que se trouve la libération du travail, par l’ébranlement et finalement la dissolution des appareils répressifs et idéologiques d’état.) le contenu concret de cette insulte est donc simplement ceci : andreas doit, ou nous devons nourrir le parquet avec beaucoup plus d’empressement. un être humain convenable selon la conception du parquet est un être humain qui nourrit le parquet — le sujet soumis, l’être humain qui existe pour l’état et qui n’a pas d’autre but que d’exister pour l’état. c’est bien comme l’a dit andreas : “le citoyen idéal pour le parquet c’est le prisonnier qui a la photo de buback dans son placard.”

Wunder, Zeis – procureurs du Parquet Fédéral dans le procès à Stammheim

Schmidt – Chancellier de la République Fédérale d’Allemagne

Prinzing – Président de la Cour dans le procès à Stammheim

SPD – Parti Social-démocrate d’Allemagne

Mahler – impliqué dans la fondation de la RAF, exclu du groupe en 1974

ML – partis maoistes qui s’appèlent marxistes-léninistes

Conception Andreas/Ulrike pour le procès à Düsseldorf

le processus politique d’où vient la guérilla urbaine en allemagne a commencé à berlin – 1966, 1967, 1968.

rôle – histoire de la république fédérale d’allemagne – chaîne impérialiste d’états

anticommunisme

sous-centre politiquement – économiquement – militairement pivot stratégique – développement du capital – encerclement – guerres de libération

lignes de démarcation – nouvelle gauche

causes : prolétarisation

conditions : sous-centre stratégique – expansion de l’impérialisme américain politiquement – économiquement – militairement

possibilité : pertinence stratégique — moment d’instabilité

  1. fonction idéologique — en tant que pays divisé

  2. fonction militaire/politique/économique – “vitrine”, modèle du développement

et de la stabilité capitalistes, fonctions de légitimation et d’intégratlon exemplaires pour la stratégie du capital américain – tiers monde – europe

conformément : réaction – pour ce qui est de l’europe.

sa possibilité : la “totalisation de la violence”

  1. quant à son contenu : fascisme – stratégie institutionnelle

  2. quant aux faits : lois d’exception etc :

contre-insurrection, militarisation de la politique par la régularisation de la contre-insurrection

démantèlement de la gauche

ghettoisation

agnoli à propos de : critique des sectes critique des partis

parti / stratégie institutionnelle

politique clandestine

à partir des conditions de la répression extrême et totalement structurée, les possibilités tactiques a) état industriel

b) sous-centre stratégique (l’internationalisme prolétarien)

guérilla urbaine – raf

méthode d’intervention révolutionnaire

continuité – sens de l’action

solidarité (signal de l’identité)

avec ceux qui ont coupé tout lien avec le système existentiellement et politiquement, qui sont restés fidèles à la rupture et ont continué à lutter et qui pour cette raison se font détruire de façon exemplaire.

sens de la politique des prisonniers

fonction de l’exemple a) subjectivement

b) objectivement – évidence.

affirmation de la politique de l’action concrètement : dialectique de la défaite – du point de vue militaire, une défaite

du point de vue politique, une victoire

Conception Andreas/Ulrike pour un autre procès

fin avril 1976

ce qui se passe, c’est que la social-démocratie organise dans l’europe de l’ouest le processus réactionnaire moyennant l’énorme potentiel économique de l’impérialisme ouest-allemand sous l’hégémonie du capital américain – lequel contrôle toutes les industries stratégiques en allemagne fédérale : l’électronique, la chimie, le pétrole, l’automobile, l’ingéniérie mécanique – sur deux plans dont l’intermédiaire est le modèle de développement socialdémocrate : des crédits liés aux conditions politiques et qui ont pour fonction de préparer les investissements de capitaux en imposant, par le recours au chantage économique, la militarisation de la politique (comme le dit brandt dans une lettre à olaf palme, “la stabilité, c’est anticiper la catastrophe afin de l’éviter”) – pour dicter aux états subordonnés à l’allemagne fédérale dans la chaîne impérialiste – et c’est son projet sur un plan stratégique politique plus vaste – son modèle de fascisme : stratégie institutionnelle, contre-insurrection, organisation de l’état sur le modèle de la démocratie parlementaire, avec en même temps des partis communistes mis à l’écart, de telle sorte que le bloc au pouvoir ne puisse toujours être que celui du capital américain. à l’intérieur de l’europe de l’ouest, l’ennemi principal, les états-unis, est représenté par l’allemagne fédérale de la social-démocratie. parce qu’elle seule dispose, de par son histoire, de l’internationale socialiste et du contact avec les syndicats pour imposer en europe le projet de consolidation d’un nouveau fascisme.

c’est ainsi que toute attaque contre la présence ici du capital américain s’affronte immédiatement à l’état impérialiste et – tôt ou tard – directement aux forces militaires américaines, qui agissent ouvertement. dans chaque cas, les attaques contre les installations américaines ici forcent l’état à réagir en fonction de ce qu’il est depuis 1945 : une fonction du capital américain et le camouflage institutionnel du véritable statut de l’allemagne fédérale dans la chaîne américaine des états : territoire militairement occupé par les états-unis.

ça c’est aussi une ligne pour la mobilisation – mais l’essentiel est que cette façon de démasquer la social-démocratie par l’attaque de petits groupes armés peut la rendre incapable d’organiser l’europe de l’ouest en un bloc de puissance militaire au service de la stratégie du capital américain. parce que le fascisme, ici rendu visible, va mobiliser nécessairement contre l’allemagne fédérale tout ce qu’il peut y avoir de ressentiment politique à l’étranger contre elle – l’ancien antifascisme et tout ce qu’il peut y avoir de ressentiment contre l’impérialisme allemand, contre sa volonté d’hégémonie dans tout les groupes du spectre qui va de l’extrême-gauche aux social-démocraties et dans les gouvernements nationaux, et précisément sur la ligne : ennemi principal états-unis.

donc sur la ligne stratégique sur laquelle à la première ligne de démarcation –

c.à.d. le front – le conflit nord-sud est combattu de manière armée : prolétariat mondial / impérialisme américain.

d’où la nécessité de développer la deuxième ligne de démarcation dans les métropoles en tant que front, en tant que confrontation politico-militaire, une ligne qui est déterminée par la dialectique des répercussions sur les métropoles des guerres de libération à la périphérie du système, donc par la tentative de reconstruction au niveau stratégique du capital américain par le retrait de ses fronts vers les centres – sur le plan idéologique, politique, militaire, mais aussi économique (ce que nous ne développeront pas ici). il s’agit du processus qui définit la lutte des classes dans les métropoles comme une partie de la guerre de

libération dans le tiers monde, en anticipant ici ce qu’est la politique prolétarienne aujourd’hui : guerre de libération.

voilà – brièvement – la stratégie que nous avons en vue, compte tenu de notre expérience et de ce que nous avons appris ici. c’est la ligne dans laquelle le capital et son état sont obligés de réagir de façon disproportionnée à l’attaque de petits groupes révolutionnaires, et ainsi la multiplier. c’est-à-dire : c’est la mécanique même de l’appareil qui développe dans le système impérialiste un front et en même temps son antithèse : une situation politique dans laquelle les processus de polarisation sont en cours, dans lesquels la résistance – structure clandestine, guérilla – peut être comprise et sera comprise comme la cause de chacun et de tous ceux qui ont pris conscience de leur situation dans le système impérialiste.

il y aurait aussi quelque chose à ajouter sur la structure et composition de l’organisation de la guérilla métropolitaine qui lutte sur ce front. nous laisserons ça de côté ici.

enfin – ce qu’il serait à analyser c’est le projet militaire des états-unis en se servant de la social-démocratie : intégration des appareils chargés de la sécurité intérieure et extérieure (c’est-à-dire l’intégration des appareils policiers dans la structure de l’OTAN), transformation de l’ensemble de l’appareil d’état, y compris des appareils idéologiques (écoles, médias, administrations), en un gigantesque réseau tentaculaire de renseignement. un processus qui oblige tous les fonctionnaires et employés à faire des rapports au service de renseignement. un seul journal en a parlé jusqu’à présent.

stratégie institutionnelle du nouveau fascisme qui fait de la justice politique une fonction de la contre-insurrection – de la police politique. pendant qu’en même moment sont élargis la machine de la sûreté de l’état, le BKA, à l’intérieur du BKA le département T à bonn, le BGS, les MEK, l’homogénisation des polices des régions sous le commandement du BKA, des lois policières. l’informatique représente de ce fait un saut qualitatif : du fichier manuel à la base de données qui est la condition pour rendre possibles les techniques nouvelles répressives de la communication de masse institutionalisées et utilisées par la guerre psychologique.

la stratégie institutionnelle vise, verticalement et horizontalement (europe de l’ouest), alors sur les plans intra- et inter-étatique, à la création d’un appareil militaire structuré par le renseignement, qui pénètre les sociétés et intègre les états en coiffant les ministères de l’intérieur, par-delà l’interconnexion internationale des machines de répression, sans avoir lui-même d’expression politique. ce qui signifie qu’il échappe totalement au contrôle public. donc une structure de pouvoir transnationale, en fin de compte, sous le commandement du pentagone, une machine militaire qui est en même temps son propre appareil de propagande, dans la mesure où il est un appareil de manipulation totale dans la tactique de la guerre psychologique. c’est-à-dire que ce système d’obtention et d’utilisation des renseignements dans la guerre psychologique constitue un système clos, à l’intérieur duquel la manipulation et le contrôle, et donc de nouveaux schémas de manipulation peuvent, dans un appareil fermé sur luimême, être développés, crachés et perfectionnés, et ne manqueront pas de l’être. ce que la gauche légale n’a pas du tout compris, c’est que évidemment, dans cet ensemble, son internement est déjà programmé par l’ordinateur du BKA, ainsi que celui du cercle de tous les amis et connaissances.

ce qui est déjà clair : si le BKA peut mettre la main sur 394 collectionneurs d’armes en une seule action coordonnée, il lui est naturellement possible aussi de transporter en une seule action toute la gauche légale dans les stades.

guérilla urbaine est une tactique qui révèle la stratégie en l’anticipant.

sur le plan de l’élaboration de la stratégie de la politique révolutionnaire, cela signifie : comprendre l’état national en tant que appareil de répression intérieure à partir de sa détermination internationale pour le capital multinational américain.

le système des états nationaux à l’intérieur du système étatique de l’impérialisme américain est un système de secteurs de front en guerre, que l’appareil répressif du capital américain conduit sur deux secteurs : les points de cristallisation de la ligne de démarcation pauvre/riche dans la confrontation nord-sud, et sur la deuxième ligne de démarcation, à l’intérieur des métropoles, ici en anticipation de la contreviolence prolétarienne massive.

il est important de réaliser que, d’une part, l’état du capital agit à partir des contraintes que le mouvement du capital – qui est le fondement matériel de toute l’affaire – lui impose. il est une fonction du capital. d’autre part, le capital ne peut plus développer lui-même une perspective productive, ou pour employer une expression de l’économie bourgeoise : il n’est plus capable d’innover. il a cessé d’être le sujet de la réproduction sociale de l’activité d’état.

pour une figure comme schmidt il est clair que, sans avoir réglé le problème de l’économie, de la crise, de l’inflation, du chômage, en un mot le problème du marché mondial, l’existence étatique du système impérialiste est un colosse aux pieds d’argile.

ce qui est nouveau, aussi nouveau pour ce fascisme, c’est qu’il ne s’agit pas seulement pour lui d’assurer la domination du capital, des marchés et de la consolidation, mais de former une structure de pouvoir militaire-économique qui puisse s’imposer en tant que système d’états indépendamment de leur base politique et des contraintes du mouvement du capital.

ici l’état est le sujet de la politique et il n’est plus gouverné par des fractions du capital en concurrence mais il est l’expression immédiate du capital, parce que sous l’hégémome du capital américain il n’y a ni autonomie économique, ni autonomie politique de capitaux face au capital américain.

il s’agit pour nous de montrer ici, à partir de l’internationalisation du mouvement du capital, la dialectique par laquelle les états nationaux dans le système étatique de l’impérialisme américain se transforment en un nouveau fascisme, organisé à un échelon international, et par la la fonction changée des états nationaux à partir des contraintes de défensive sur le plan stratégique dans laquelle se trouve l’impérialisme depuis sa défaite au vietnam.

le moment central qu’il s’agit de mettre en évidence c’est qu’à partir du moment où on a déterminé la réaction comme processus organisé et projeté sur le plan international, la stratégie révolutionnaire doit être internationaliste, c’est-à-dire : si l’on a pu dire que l’analyse politico-économique de la situation aujourd’hui coïncide avec le schéma conceptuel marxiste, cela signifie concrètement que la stratégie du manifeste, “prolétaires de tous les pays, unissez-vous!” a retrouvé un nouveau ferment sur le plan de l’organisation dans la guérilla qui anticipe la reconstruction internationale de la politique prolétarienne.

la forme d’organisation de l’internationalisme prolétarien dans les centres du capital sera la guérilla métropolitaine.

Département T du BKA – département “Terrorisme” de la police fédérale

BGS – police des frontières, qui comprend l’unité d’intervention GSG-9, comparable au GIGN en France

MEK – unités d’intervention, correspondent aux CRS en France

Concernant les effets de l’isolation dans une aile morte

la période du 16 juin 1972 au 9 février 1973 :

Le sentiment que la tête explose (le sentiment que la boîte crânienne va s’éclater, se détacher) – le sentiment que la moelle épinière soit pressée dans le cerveau, le sentiment que le cerveau se ratatine peu à peu comme un fruit sec, le sentiment d’etre, sans cesse et inconsciemment, sous tension électrique, d’être téléguidée, le sentiment que les associations d’idées soient coupées constamment, le sentiment qu’on pisse son âme de son corps, comme si on n’arrives plus à tenir l’eau, le sentiment que la cellule plane. On se réveille, on ouvre les yeux : la cellule plane. L’après-midi quand il y a du soleil, ça s’arrête tout d’un coup. Mais elle bouge toujours, on n’arrive pas à se défaire de cette sensation. Impossible de savoir si on tremble de froid ou de fièvre – impossible de s’expliquer pourquoi on tremble, pourquoi on gèle.

Pour parler de façon audible normalement, il faut faire des efforts comme pour parler très fort, presque comme pour hurler – le sentiment de devenir muette – impossible de se rappeler le sens de certains mots, sinon en devinant – l’utilisation de sifflantes – s, sz, tz, z, sch – est un supplice insupportable – gardiens, visites, la cour semblent comme une réalité de celluloïd – maux de tête – flashes – ne plus maîtriser la construction de phrases, la grammaire, la syntaxe. En écrivant : au bout de deux lignes, impossible de se rappeler le début de la première.

Le sentiment qu’on se consume à l’intérieur de son corps –

Le sentiment que si on dirait ce qu’il se passe, si on l’expliquerait à quelqu’un, ce serait comme jeter de l’eau bouillante à la gueule de l’autre, de l’ébouillanter, le défigurer à vie.

Une agressivité folle, sans exutoire. C’est le pire. Conscience claire qu’on n’a pas la moindre chance de survivre ; échec complet pour essayer de transmettre cela. Des visites, il ne reste rien. Une demi-heure après on ne peut que constater de façon mécanique si la visite a eu lieu aujourd’hui ou la semaine dernière – Par contre, le bain de la semaine, c’est un moment de repis, de récupérer – pour quelques heures même –

Le sentiment que le temps et l’espace s’imbriquent l’un dans l’autre – le sentiment d’être dans un labyrinthe de miroirs déformants, de vaciller –

Après : une terrible euphorie d’entendre quelque chose – la différence entre jour et nuit par example.

Le sentiment que le temps repart, le cerveau se dilate, la moelle épinière se remet en place – pendant des semaines.

Le sentiment qu’on avait été écorchée.

la deuxième fois, du 21 decembre 1973 au 3 janvier 1974 :

Bourdonnements dans les oreilles. Au réveil comme si on avait été rouée de coups.

Le sentiment de bouger au ralenti.

Le sentiment de se trouver sous vide, comme coulée dans du plomb.

Après : choc. Comme si on aurait reçu une plaque de fer sur la tête.

Comparaisons, notions qui viennent à l’esprit là-dedans :

Broyeur (psycho) –

simulateur aéronautique, où la peau des gens est écrasée sous l’accélération – La colonie pénitentiaire de Kafka – l’homme sur la planche à clous – rouler sans arrêt dans une montagne russe.

Quant à la radio : ça permet un minimum de détente, comme si on ralenti de 240 à 190 km à l’heure.

Extraits de lettres à ses avocats sur l’isolation dans une aile morte

le 25 février 1974

Que faire ? Déposer une plainte – pour coups et blessures. C’est clair. Ensuite, ce que j’ai dit cent fois : faire venir des psychiatres ; et ce qui m’est venu à l’esprit depuis : des oto-rhino-laryngologistes (à cause des oreilles) pour qu’ils expliquent enfin de façon scientifique que le silence a le même effet que les électrochocs, celui de provoquer cette sorte de blessures, de dévastations dans l’organe de l’équilibre et dans le cerveau. Qu’il en soit ainsi ne fait plus aucun doute. […] Donc, une plainte et des expertises. Voilà ce qu’il faut à propos du problème de l’aile morte.

PS – Il se peut de toute façon que les otorhinos aient des choses à dire à propos de toute cette merde d’isolement, puisqu’il y a aussi cette cloche sonore dans laquelle se trouve Jan et à propos de laquelle vous avez besoin d’arguments, et l’enfer de bruit où se trouvait Carmen à Rastatt. En Chine – c’était récemment dans la Frankfurter Rundschau – les exécutions capitales se faisaient autrefois par le bruit. Et surtout l’Irlande où toutes ces saloperies sont systématisées.

le 26 février 1974

Biensûr, il y a la différence que, moi, je suis ici pour la troisième fois, alors que pour Gudrun c’est la première – que, pour moi donc, il y a des tas de « fusibles » qui ont sauté, alors que Gudrun a encore des réserves. Seulement, quand nous disons que l’affaire est maintenant urgente, plus urgente que jusqu’à présent, cela n’est pas un simple état d’âme ou quelque chose de ce genre. Les électrochocs que je reçois en plein, Gudrun les reçoit aussi. Le silence est un fait physique. Si le parquet fédéral, le chef des flics ici et la police politique ne sont pas décidés à nous liquider avant le procès, il devrait être possible d’obtenir le transfert – et, s’ils le sont, d’autant plus.

sans date

Un élément important du programme de lavage de cerveau, c’est qu’on est mis dans un état où l’on ne se rend pas compte du lien causal entre le moyen employé et les symptômes, de la combinaison raffinée, du concours de moyens, et enfin de ce qui vous arrive. On peut même dire : plus le moyen est invisible et difficile à percevoir, plus il a d’effet. On ne peut affronter ce qu’on ne perçoit pas, ce qui signifie : on ne peut pas y résister. Et je sais pourquoi j’ai dit à Berlin que l’aile morte était la tentative de nous forcer au suicide. Parce que l’énergie de résister, dans le silence absolu, absolument imperceptible, n’a finalement pas d’autre objet que soi-même. Et comme on ne peut combattre le silence, on ne combat alors que ce qui nous arrive, à nous et à notre corps – et finalement on ne combat plus que soi-même. C’est cela, le but de l’aile morte : l’autodestruction du prisonnier. Dans cette sorte de torture, la résistance elle-même est instrumentalisée par les tortionnaires. Et elle l’est même si le contenu de la résistance est : tenir bon. Alors, elle vous déchire à ce niveau-là. L’effondrement est le pire, parce qu’il signifie qu’on est entre leurs mains. Parce que ce qui est sûr, c’est qu’avec des oreilles totalement affamées, c’est-à-dire quand on est totalement écorché, et donc suggestible, il y a une chose qu’on ne peut plus faire : écouter une seule phrase des flics sans être obligé de la repousser, sinon elle risquerait de vous influencer dans vos sentiments et vos pensées. Et c’est à ce moment-là qu’ils peuvent vous tirer dans leur merde. On ne peut plus faire le sourd. Le moindre mot aimable des flics, s’il n’est pas repoussé activement, vous transforme déjà en collaborateur.

Le lavage de cerveau est un conditionnement du prisonnier qui rend sensibles au bruit ses oreilles et tout ce qui leur est organiquement relié, qui le rend donc réceptif, comme un film est sensible à la lumière. Le cerveau reçoit tout ce qui entre, comme un film quand on ouvre le diaphragme. Sans oublier qu’on « entend » aussi ce qu’on lit. Le cerveau, ainsi conditionné, fait évidemment mal. Cela signifie que, dans la mesure où la résistance est pensée, les pensées font également mal. La résistance contre ces saloperies revient donc à se faire mal à soi-même (je connaissais déjà cela de l’époque de mon opération du cerveau : que les pensées font mal, mais je sais aussi que c’est le seul moyen de tout remettre en marche). Lavage de cerveau, c’est trafiquer le cerveau du prisonnier de façon qu’il ne soit plus qu’une boule de chair brûlante, découpée et détruite – du moins il le sent comme cela. Si alors on entend quelque chose, peu importe quoi, on le reçoit comme un baume. Et c’est ainsi qu’ils arrivent à y mettre leur merde. Un beau jour, on revient à soi et on ne sait plus où est le dessus et le dessous : on est brisé. Et c’est comme cela que l’ennemi peut faire prévaloir son pouvoir. Oreilles détruites, cela signifie bien sûr aussi : organe de l’équilibre détruit. On flotte, on titube d’un coin à l’autre. Tout ce qui se manifeste est disproportionné, exagéré. Le chuchotement est comme un cri qui s’amplifie, une allusion comme un coup de marteau, la plus petite phrase un coup de matraque.

[…]

Sortir d’ici par l’intervention d’un médecin n’est pas sortir. Parce que cela implique un traitement, ne consisterait-il qu’à venir nous voir, à être gentil, etc. C’est ainsi que Götte a achevé Astrid. Sans compter les drogues. Bonne santé, force, etc, sont identiques à résistance brisée. Et briser la résistance, cela signifie en dernière conséquence que le but du “traitement” est de tuer. Le problème qu’ils ont avec nous, c’est que notre conscience politique ne quittera pas notre corps sans que ce qu’on appelle “vie” ne le quitte aussi. Pourquoi c’est ainsi ? A l’évidence, parce que son contenu est collectivité – anti-isolement. Si notre conscience politique, dont le contenu est collectivité (guérilla, lutte armée), nous tient lieu d’identité, alors ils ne peuvent l’arracher par l’isolement sans nous tuer.

Carmen – Carmen Roll avait été anesthésiée de force lors de son arrestation pour prendre ses empreintes digitales

Götte – psychiatre dans l’aile morte de la prison de Cologne-Ossendorf

Astrid Proll – première prisonnière de la RAF dans l’aile morte d’Ossendorf

Déclaration au procès par rapport à la libération d’Andreas

le 13 septembre 1974

ce procès est une manoeuvre tactique dans la guerre psychologique du BKA, du parquet fédéral, de la justice contre nous – avec comme but d’escamoter l’intérêt politique que représente notre procès en allemagne et à cacher la stratégie d’anéantissement du parquet fédéral qui est programmée là-dedans ; de transmettre une image dispersée de nous par le biais de condamnations individuelles ; de diviser dans la conscience de l’opinion publique le contexte politique de tous les procès contre les prisonniers de la raf par la mise en scène d’étalages publiques individualisés, pour rayer de la mémoire des gens le fait qu’il y ait une guérilla urbaine sur le territoire de l’impérialisme allemand. nous – raf – ne participerons pas à ce procès.

la lutte anti-impérialiste la lutte anti-impérialiste, si cela ne doit pas être un slogan creux, a comme but d’anéantir, briser, détruire le système de domination impérialiste – sur le plan politique, économique et militaire ; les institutions culturelles qui lui permettent de produire l’homogénéité des élites dominantes, ainsi que les systèmes de communication assurant son emprise idéologique.

l’anéantissement de l’impérialisme sur le plan militaire veut dire dans le cadre international : les alliances militaires de l’impérialisme américain tout autour du globe, ici : l’OTAN et l’armée allemand ; dans le cadre national : les formations armées des appareils d’état qui incarnent le monopole de violence de la classe dominante ; son pouvoir dans l’état, ici : police, BGS, services de renseignement. sur le plan économique : la structure de pouvoir des multinationaux. sur le plan politique : les bureaucraties, organisations et appareils de pouvoir étatiques et non-étatiques – partis, syndicats, médias – qui dominent le peuple.

l’internationalisme prolétarien

la lutte anti-impérialiste n’est pas, et ne pourra pas être, une lutte de libération nationale, sa perspective historique ne pourra pas être le socialisme dans un seul pays. à l’organisation transnationale du capital, aux alliances militaires globales de l’impérialisme américain, à la coopération des services de renseignement, à l’organisation internationale du capital correspond de notre côté, du côté du prolétariat, des luttes de classe révolutionnaires, des luttes de libération

des peuples du tiers monde, de la guérilla urbaine dans les métropoles de l’impérialisme : l’internationalisme prolétarien.

depuis la commune de paris il est clair qu’un peuple dans un état impérialiste qui essaie de se libérer dans un cadre national s’attire la vengeance, le pouvoir armé, l’hostilité mortelle des bourgeoisies de tous les autres états impérialistes. ainsi l’OTAN se dote maintenant d’une réserve d’intervention en cas de troubles internes qui sera stationnée en italie.

“un peuple qui en opprime d’autres, ne peut pas s’émanciper lui-même”, dit marx. ce qui donne une pertinence militaire à la guérilla métropolitaine, à la raf ici, aux brigades rouges en italie, à la SLA et d’autres groupes aux états-unis, c’est le fait qu’elle peut, dans le cadre des luttes de libération des peuples du tiers monde et en tant que lutte solidaire, attaquer l’impérialisme dans son dos, là d’où il envoie ses troupes, ses armes, ses instructeurs, sa technologie, ses systèmes de communication, son fascisme culturel pour opprimer et exploiter les peuples du tiers monde.

c’est ça la détermination stratégique de la guérilla métropolitaine : initier sur les arrières de l’impérialisme la guérilla, la lutte armée anti-impérialiste, la guerre du peuple – dans un processus de longue durée. – parce que la révolution mondiale n’est certainement pas une affaire de quelques jours, semaines, mois, certainement pas une affaire de quelques soulèvements populaires, de procès rapide, de prise de pouvoir de l’état – comme l’imaginent ou prétendent les partis et groupes révisionnistes, dans la mesure qu’ils ne s’imaginent rien du tout.

la notion d’état national dans les métropoles, la notion d’état national est devenu une fiction qui ne correspond plus à rien, ni par la réalité des classes dominantes, ni par sa politique, ni par la structure du pouvoir. elle ne peut même plus s’appuyer sur les frontières linguistiques depuis qu’il y a dans les pays riches de l’europe occidentale des millions de travailleurs immigrés. on assiste plutôt en europe à la formation également subjective d’un internationalisme prolétarien par la globalisation du capital, par les nouveaux médias, par la dépendance réciproque du développement économique, par l’élargissement de la communauté européenne, par la crise – alors que les appareils syndicaux travaillent déjà depuis des années à l’assujettir, contrôler, institutionaliser et supprimer.

la fiction de l’état national à laquelle s’aggripent les groupes révisionnistes avec leur forme d’organisation, correspond à leur fétichisme légaliste, leur pacifisme, leur opportunisme de masse. ce n’est pas le fait que les membres de ces groupes sont issus de la petite-bourgeoisie que nous leur reprochons, mais qu’ils reproduisent l’idéologie petit-bourgeoise dans leur politique et structure d’organisation. une idéologie qui a toujours été étranger à l’internationalisme prolétarien et qui – cela ne peut être autrement vu sa situation de classe et ses conditions de reproduction – s’est toujours organisée en tant que complément de la bourgeoisie nationale, de la classe dominante.

l’argument selon lequel les masses ne seraient pas prêtes nous rappèle les arguments des salauts colonialistes en afrique et en asie depuis 70 ans : les noirs, les analphabètes, les esclaves, les peuples colonisés, torturés, opprimés, affamés, souffrant sous le joug du colonialisme “ne seraient pas prêts” à prendre eux-mêmes en main leur administration, l’industrialisation, leur éducation, leur avenir en tant qu’êtres humains. c’est l’argument de gens qui se soucient de leurs positions de pouvoir, qui veulent la domination du peuple, non pas l’émancipation et la lutte de libération.

la guérilla dans les métropoles

notre action du 14 mai 1970 est et reste l’action exemplaire de la guérilla métropolitaine. elle contient et contenait déjà tous les éléments de la stratégie de la lutte armée anti-impérialiste : ce fut la libération d’un prisonnier d’entre les mains de l’état. ce fut une action de guérilla, l’action d’un groupe qui devint le noyau politico-militaire par sa décision de faire cette action. ce fut la libération d’un révolutionnaire, d’un cadre qui était et est indispensable pour la construction de la guérilla métropolitaine. non pas comme chaque révolutionnaire indispensable dans les rangs de la révolution, mais parce qu’il incarnait déjà à l’époque tout ce qui rend possible la guérilla contre l’état impérialiste : la détermination, la volonté d’agir, la capacité de déterminer sa propre personne exclusivement par les buts, tout en gardant ouvert le processus d’apprentissage du groupe, en pratiquant dès le début une direction en tant que direction collective, transmettant les processus d’apprentissage de chacun collectivement.

l’action a été exemplaire, parce que dans la lutte anti-impérialiste il s’agit en tout état de cause de libération de prisonniers, de la prison que le système est depuis toujours pour toutes les couches exploitées et opprimées du peuple, sans aucune perspective historique que la mort, la terreur, le fascisme, la barbarie. libération de l’emprisonnement dans l’alienation totale, l’auto-aliénation, de l’état d’exception politique et existentiel dans lequel le peuple est forcé de vivre sous l’emprise de l’impérialisme, de la culture de consommation, des médias, des appareils de contrôle de la classe dominante, sous la dépendance du marché et de l’état.

la guérilla, pas seulement ici, il n’en était pas autrement au brésil, en uruguay, à cuba et pour le che en bolivie – part toujours de rien et la première phase de sa constitution est la plus difficile ; dans la mesure où les origines à partir de la classe bourgeoise prostitutée par l’impérialisme et de la classe prolétarienne colonisée par elle ne donnent rien d’utilisable pour la lutte. on est un groupe de camarades qui ont décidé d’agir, de quitter le stade de la léthargie, du radicalisme verbal, des discussions de stratégie toujours davantage sans objet, et de lutter. mais il manque encore tout – pas seulement tous les moyens ; il s’avère, à cet instant seulement, quel genre d’être humain on est vraiment. c’est l’individu métropolitain issu des processus de putréfaction et des contextes de vies mortels, faux, aliénés du système – usine, bureau, école, université, groupes révisionnistes, jobs d’apprentis, jobs occasionnels. on se rend compte des effets de la division entre vie professionnelle et vie privée, de la division entre travail manuel et travail intellectuel, la mise sous tutelle dans les processus de travail hiérarchiquement organisés, les déformations psychiques par la société marchande, la société métropolitaine passée au stade de putréfaction et de stagnation.

mais c’est ce que nous sommes, c’est de là que nous venons : l’engeance venant des processus destructifs de la société métropolitaine, de la guerre de tous contre tous, de la concurrence de chacun contre chacun, du système où règne la loi de la peur, de la performance, de l’un-sur-le-dos-des-autres, de la division du peuple en hommes et femmes, jeunes et vieux, sains et malades, étrangers et allemands et les luttes de prestige. c’est de là que nous venons : de l’isolement dans les cages à lapins, des cités en béton des banlieues, des prisons, des asiles et des quartiers de haute securité. du lavage de cerveau par les médias, la consommation, le châtiment corporel, l’idéologie de la non-violence ; de la dépression, de la maladie, du déclassement, de l’humiliation et de l’insulte de l’être humain, de tous les exploités de l’impérialisme. jusqu’au moment que nous avons compris la détresse de chacun comme la nécessité de nous libérer de l’impérialisme, comme la nécessité de la lutte anti-impérialiste. et compris qu’avec la destruction de ce système il n’y a rien à perdre, avec la lutte anti-impérialiste tout à gagner : la libération collective, vie, humanité, identité. que la cause du peuple est notre cause, celle des masses, des travailleurs et travailleuses à la chaîne, des lumpen, des prisonniers, des apprentis, des masses les plus basses ici et des mouvements de libération du tiers monde. que notre cause, la lutte armée anti-impérialiste est la cause des masses et vise-versa. même si cela ne peut se réaliser et ne se réalisera que dans un processus de longue durée du développement de l’offensive politico-militaire de la guérilla, du déclenchement de la guerre du peuple.

voilà la différence entre une politique véritablement révolutionnaire et une politique qui se dit révolutionnaire et qui en réalité est une politique opportuniste : nous partons de la situation objective, les conditions objectives, la situation réelle du prolétariat, des masses dans les métropoles – ce qui inclut le fait que le peuple dans toutes les couches et de tous les côtés est sous l’emprise et sous le contrôle du système. les opportunistes partent de la conscience aliénée du prolétariat ; nous partons du fait de l’aliénation, d’où s’ensuit la nécessité de la libération.

“il n’y a pas de raison” écrivait lénine en 1916 contre le porc renégat et colonialiste kautsky, “de supposer que dans le capitalisme la majorité des prolétaires pourraient être regroupés dans une seule organisation. en plus – et c’est l’essentiel – il s’agit moins du nombre des membres d’une organisation que de la signification objective et réelle de sa politique : cette politique représente-t-elle et sert-elle les masses ? c’est-à-dire sert-elle à la libération des masses du capitalisme, ou bien représente-t-elle les intérêts de la minorité, la réconciliation avec le capitalisme ? nous ne pouvons et personne ne peut prévoir avec précision quelle partie du prolétariat suit et suivra les social-chauvinistes et les opportunistes. ce n’est que dans la lutte que cela se révèlera, cela se décidera en dernier ressort dans la révolution socialiste. mais c’est notre devoir, si nous voulons rester des socialistes, d’aller plus profondément vers les masses les plus enfoncées, les masses réelles : c’est là toute la signification de la lutte contre l’opportunisme et tout le contenu de cette lutte.”

le guérillero est le groupe la fonction de direction dans la guérilla, la fonction d’andreas dans la raf est : orientation – pas seulement de pouvoir distinguer dans chaque situation ce qui est essentiel de ce qui est accessoire, mais aussi dans chaque situation garder tout le contexte politique dans tous les détails, jamais dans les détails et les problèmes techniques et logistiques particuliers perdre de vue le but, la révolution ; dans le cadre de la politique d’alliances jamais la question de la classe ; dans le contexte tactique jamais le contexte stratégique, c.à.d. jamais tomber dans le piège de l’opportunisme. c’est “l’art de lier dialectiquement la force de principes avec la flexibilité d’agir, l’art d’appliquer dans la direction de la révolution la loi du développement qui transforme les changements progressifs en sauts qualitatifs”, dit le duan. c’est aussi l’art “de ne pas reculer devant l’énormité de ses propres buts” (marx) mais de les poursuivre de manière persistante et inébranlable, la détermination d’apprendre d’erreurs, en tout état de cause d’apprendre. chaque organisation révolutionnaire, chaque organisation de guérilla sait cela, sait que le principe de la pratique exige le développement de ces capacités – c.à.d. chaque organisation partant du matérialisme dialectique, dont le but est la victoire dans la guerre du peuple et non pas la construction d’une bureaucratie de parti, d’un partenariat au pouvoir de l’impérialisme.

nous ne parlons pas du centralisme démocratique parce que la guérilla urbaine dans la métropole qu’est l’allemagne ne peut pas avoir d’appareil centralisé. elle n’est pas un parti mais une organisation politico-militaire qui développe ses fonctions de direction collectivement à partir de chaque unité, de chaque groupe – avec pour tendance de les dissoudre dans les groupes, dans le processus d’apprentissage collectif. le but est toujours l’orientation autonome, tactique, des combattants, des guérillas, des cadres. la collectivisation est un processus politique qui se passe dans tout, dans l’interaction et la communication, dans l’apprentissage l’un de l’autre dans tous les processus de travail et de formation. dans la guérilla, des structures autoritaires de direction n’ont aucune base matérielle, aussi parce que le développement réel, c.à.d. volontaire, des forces de production de chacun est la condition de l’efficacité de la guérilla révolutionnaire : intervenir de manière révolutionnaire, déclencher la guerre du peuple, avec des forces faibles.

la tactique de la guerre psychologique

andreas se trouve, parce qu’il est et était cela dès le début : révolutionnaire, dans la ligne de mire de la guerre psychologique des flics contre nous, depuis 1970, dès le premier surgissement de la guérilla dans l’action pour sa libération de prison.

le principe du fonctionnement de la guerre psychologique, qui doit aboutir à monter le peuple contre la guérilla, à isoler la guerilla du peuple, est de défigurer et masquer les buts réelles, matérielles de la révolution par la personnalisation et la psychologisation. buts qui sont la libération de la domination impérialiste, la libération des territoires occupés par le colonialisme et le néo-colonialisme, la libération de la dictature de la bourgeoisie, la libération de la dictature militaire, de l’exploitation, du fascisme et de l’impérialisme. la tactique est de rendre incompréhensible ce qui est facile à comprendre, de faire apparaître comme irrationnel ce qui est rationnel, de présenter les révolutionnaires comme des êtres inhumains. la méthode, c’est la diffamation, le mensonge, les injures, le racisme, la manipulation, la mobilisation des angoisses inconscientes du peuple et des reflexes inculqués au cours de décennies, de siècles de domination coloniale et d’exploitation — reflexes d’angoisse devant l’existence et de superstition devant les puissances incompréhensibles, parce que ces structures pour assurer la domination sont indécelables.

en essayant ainsi, par la guerre psychologique, de réduire à néant la politique révolutionnaire, la lutte armée contre l’impérialisme dans la métropole allemande et ses effets dans la conscience du peuple — en la personnalisant et en la psychologisant, les flics cherchent à nous présenter comme ce qu’ils sont eux-mêmes ; ils cherchent à présenter la structure de la raf comme analogue à la leur, une structure de domination — à l’image de l’organisation et du fonctionnement de leurs propres appareils de domination, comme le ku klux klan, la mafia, la CIA. et ils nous attribuent les moyens mêmes que les masques de l’impérialisme et leurs marionettes utilisent pour s’imposer : le chantage, la corruption, la concurrence, le favoritisme, la brutalité, l’habitude de se frayer un chemin sur des cadavres.

en utilisant la guerre psychologique contre nous, les flics misent sur la confusion entre la pression de performance et l’angoisse que le système impose sur chacun obligés de vendre sa force de travail pour pouvoir vivre. ils misent sur la pratique maladive de la diffamation, tournée par la classe dirigeante depuis des décennies, depuis des siècles, contre le peuple : mélange d’anticommunisme, d’antisémitisme, de racisme, d’oppression sexuelle, d’oppression réligieuse, d’oppression par le système scolaire autoritaire. ils misent sur le lavage de cerveau qu’opèrent la société de consommation et les médias impérialistes, la rééducation et le “miracle économique”.

ce que la guérilla dans sa première phase avait de si choquant, ce que notre première action a eu de choquant, c’ est que des gens agissent sans se laisser déterminer par les contraintes du système, sans se voir avec les yeux des médias, sans peur. que des gens agissent en partant d’expériences réelles, des leurs et de celles du peuple. car la guérilla part de faits dont le peuple fait quotidiennement l’expérience dans sa propre situation : l’oppression, la terreur des médias, l’insécurité des conditions de vie en dépit de technologies extrêmement poussées et de l’immense richesse de ce pays, qui se traduisent par les maladies mentales, les suicides, les mauvais traitements infligés aux enfants, la misère de l’école, la misère du logement. voilà ce qu’a eu de choquant notre action pour l’état impérialiste : que la raf puisse être comprise dans la conscience du peuple pour ce qu’elle est : une pratique, une cause qui naît de façon logique et dialectique des rapports existants. une pratique qui, tant qu’elle exprime les rapports réels, tant qu’elle exprime la seule possibilité réelle de les changer et de les renverser, rend au peuple sa dignité, redonne un sens aux luttes, aux révolutions, soulevements, défaites et révoltes passées ; ce qui redonne au peuple la possibilité d’avoir conscience de son histoire. parce que toute l’histoire est l’histoire des luttes de classes, parce qu’un peuple qui a perdu la dimension des luttes de classes révolutionnaires est forcé de vivre dans un état sans histoire, où il est privé de sa conscience de soi, c’est-à-dire de sa dignité.

la guerilla permet à chacun de déterminer pour soi ou il se situe, de trouver, souvent pour la première fois, où il se situe en somme et de trouver sa place dans la société de classes, dans l’impérialisme, de se définir pour lui-même. parce que beaucoup pensent être du coté du peuple, mais dès qu’il s’agit de s’affronter avec la police, dès que le peuple commence à se battre, ils se sauvent, dénoncent, freinent, se mettent du côté de la police. c’est le problème que marx a si souvent mentionné : qu’on n’est pas ce qu’on croît être mais ce qu’on est dans son fonctionnement réel, dans son rôle objectif dans la société de classes ; qu’on est vécu par le systeme, c.à.d. instrumentalisé par lui, si on ne se décide pas à agir consciemment contre le système, c.à.d. de s’armer et de se battre.

par la guerre psychologique, les flics cherchent à renverser les faits que l’action de la guérilla avait remis sur leurs pieds. à savoir que ce n’est pas le peuple qui dépend de l’état, mais l’état qui dépend du peuple ; que ce n’est pas le peuple qui a besoin des corporations, des multinationales et de leurs usines, mais que ce sont les porcs capitalistes qui ont besoin du peuple ; que la police n’a pas pour but de protéger le peuple des criminels, mais de protéger l’ordre des exploiteurs impérialistes du peuple ; que le peuple n’a pas besoin de la justice, mais que c’est la justice qui a besoin du peuple ; que nous n’avons pas besoin ici de la présence des troupes et des installations américaines, mais que c’est l’impérialisme américain qui a besoin de nous. en personnalisant et en psychologisant, ils projettent sur nous ce que eux sont, les clichés de l’anthropologie du capitalisme, la réalité de ses masques, de ses juges, de ses procureurs, de ses matons, de ses fascistes : le porc qui se complaît dans son aliénation, qui ne vit qu’en opprimant, en exploitant, en faisant souffrir les autres, dont la base d’existence est la carrière, l’avancement à tout prix, les coudes, profiter des autres, l’exploitation, la faim, la misère et le dénuement de quelques milliards d’êtres humains dans le tiers monde et ici.

ce que la classe dirigeante haït en nous, c’est que la révolution, malgré cent ans de répression, de fascisme, d’anticommunisme, de guerres impérialistes, de génocides, relève à nouveau la tête. en menant la guerre psychologique, la bourgeoisie, avec son état-flic, a accumulé contre nous tout ce qu’elle haït et craint du peuple. surtout contre andreas.

c’est lui qui incarne la plèbe, la rue, l’ennemi. elle a reconnu en nous ce qui la menace et la renversera : la détermination à préparer la révolution, la violence révolutionnaire, l’action politique et militaire ; en même temps que sa propre impuissance, la limite de ses moyens à partir du moment où le peuple s’arme et commence à se battre.

ce n’est pas nous, c’est lui-même que le système représente dans sa campagne de diffamation contre nous. toute campagne de diffamation contre la guérilla renseigne sur ceux qui la conduisent, sur leur ventre de porc, sur leurs buts, leurs ambitions et leurs peurs. et dire par exemple que nous sommes “une avantgarde auto-designée” n’a aucun sens. être à l’avantgarde est une fonction à laquelle on ne peut ni se nommer soi-même, ni que l’on peut revendiquer. c’est une fonction que le peuple donne à la guerilla dans sa propre conscience, dans le processus de sa prise de conscience, de la redécouverte de son propre rôle dans l’histoire, lorsqu’il se reconnaît lui-même dans l’action de la guérilla, qu’il reconnaît la nécessité “en soi” de détruire le système comme une nécessité “pour soi”, à travers l’action de la guérilla qui l’a déjà transformée en nécessité pour soi. l’idée d’une “avantgarde auto-désignée” reflète une pensée de prestige, qui a sa place dans la classe dominante, qui vise la domination. Ça n’a rien à voir avec le rôle du prolétariat, qui repose sur l’absence de propriété, avec son émancipation, avec le matérialisme dialectique, avec la lutte contre l’impérialisme.

la dialectique de révolution et contrerévolution

la dialectique de la stratégie des luttes anti-impérialistes consiste du fait que dans sa défense, sa réaction, le système, par l’escalade de la contrerévolution, est amené à transformer l’état d’exception politique en état d’exception militaire, se démasquant, apparaissant à tous comme l’ennemi et amenant par les moyens mêmes de sa terreur, les masses à prendre position contre lui.

marighela : “le principe de base de la stratégie révolutionnaire dans la situation de crise politique permanente est de développer aussi bien dans les villes que dans les campagnes une telle quantité d’actions révolutionnaires que l’ennemi soit obligé à transformer la situation politique du pays en une situation militaire. de cette façon l’insatisfaction s’étendra à toutes les couches du peuple, et les seuls responsables pour tous les méfaits seront les militaires.”

et a.p. puyan, un camarade iranien : “par la pression de la violence contrerévolutionnaire renforcée contre les combattants de la résistance, toutes les couches et classes oppressées seront encore plus massivement réprimées. de ce fait les classes dirigeantes augmentent les contradictions entre les classes opprimées et elles-mêmes et en créant un tel climat, la conscience politique des masses fera un bon en avant.”

et marx : “le progrès révolutionnaire avance dans la création d’une contrerévolution puissante et unifiée, par la création d’un adversaire qui amènera par la lutte contre lui seulement que le parti de l’insurrection mûrisse en devenant un véritable parti révolutionnaire.”

quand en été 1972 les flics avec 150.000 hommes ont décrétés la mobilisation générale contre nous et déclenchaient une chasse à l’homme massive par la télévision, l’intervention du chancelier fédéral, la centralisation de tout le pouvoir policier au BKA – à ce moment toutes les forces matérielles et personnelles de cet état étaient déjà mobilisé à cause d’un petit groupe de révolutionnaires ; on voyait d’une manière concrète que le monopole de violence de l’état est limité, qu’on peut épuiser sa puissance, que l’impérialisme est un monstre mangeur d’êtres humains sur le plan tactique, qu’il est un tigre de papier sur le plan stratégique. on pouvait voir concrètement qu’il dépend de nous si l’oppression se perpétue et également de nous qu’elle soit détruite.

maintenant après tout ce qu’ils ont préparé contre nous dans leur guerre psychologique – les porcs se préparent à assassiner andreas. nous prisonniers issus de la raf et d’autres groupes anti-impérialistes sont en grève de la faim à partir d’aujourd’hui. les recherches-liquidation des flics contre la raf et leur guerre psychologique contre nous correspondent au fait que la plupart d’entre nous sont en détention-isolation depuis des années, ce qui signifie détention-liquidation. nous sommes décidés à ne pas arrêter de penser et de lutter, nous sommes décidés à faire tomber la pierre que l’impérialisme a levé contre nous sur ses propres pieds.

les flics préparent l’assassinat d’andreas – comme ils l’avaient déjà essayé pendant notre dernière grève de la faim en été 1973 – en lui supprimant l’eau. à l’époque on a fait croire aux avocats et à l’opinion publique qu’il aurait reçu à boire après quelques jours, pendant qu’il n’avait rien reçu et le porc de médecin à schwalmstadt lui disait après neuf journées passées sans rien boire “vous buvez du lait ou vous êtes mort dans dix heures”. entretemps, le ministre de la justice du land hesse venait dans sa cellule pour voir et le corps des médecins de prison se reunissait au ministère de la justice à wiesbaden. en plus, il existe un décret déclarant qu’en hesse les grèves de la faim peuvent être brisées par la privation de liquide. les plaintes déposées pour tentative de meurtre contre le porc de médecin ont été rejetée.

nous déclarons maintenant que si les flics réalisaient effectivement leurs intentions et plans de couper l’eau à andreas, tous les prisonniers de la raf en grève de la faim répondront par le refus de prendre toute forme de liquide. il en sera de même si quiconque des prisonniers en grève de la faim serait privé de liquide quel que soit le lieu et la personne qui fasse l’objet de cette tentative de meurtre.

Le Duan – un des fondateurs et premier secrétaire du parti communiste vietnamien

Marighella – membre du comité central du parti communiste du Brésil, puis un des fondateurs du groupe de guérilla urbaine ALN, Action de Libération Nationale

Schwalmstadt – prison dans laquelle se trouvait Andreas avant d’être transféré à

Stuttgart-Stammheim en Novembre 1974

Interview avec l’hebdomadaire Der Spiegel

Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof, Jan Raspe

Der Spiegel, le 20 janvier 1975

  • Le collectif de la RAF a-t-il adopté une nouvelle tactique ? Les campagnes préparées et dirigées depuis les prisons ont éveillé dans la population le même intérêt à votre sujet que les bombes et les grenades en 1972 ?

Il ne s’agit pas de bavardages sur la tactique. Nous sommes prisonniers et nous luttons actuellement avec la seule arme qui nous reste en prison et dans l’isolement : la grève de la faim collective, afin de sortir du processus d’extermination dans lequel nous nous trouvons, de longues années d’isolement social. C’est une lutte à la vie, à la mort ; nous n’avons pas le choix sinon de gagner par cette grève de la faim ou alors de mourir ou être détruits psychiquement et moralement par le lavage de cerveau, l’isolement et les traitements spéciaux.

  • Peut-on parler de torture par isolement ou même de détention d’extermina-tion ? Vous lisez un paquet de journaux, si nécessaire vous écoutez la radio et regardez la télévision de temps en temps. M. Baader, par exemple, a eu à sa disposition à un certain moment une bibliothèque de 400 volumes. Vous avez des contacts avec d’autres membres de la RAF, échangez des messages clandestins, vous recevez des visiteurs et vos avocats vont et viennent dans vos cellules.

Si l’on ne possède que le Spiegel et les informations diffusées par les services de sécurité de l’Etat, on pourrait se poser la question. Après deux, trois, quatre années d’isolement social, on ne se la pose plus, là on sait que l’on se trouve dans un processus d’extermination. Cela, on le supporte peut-être pendant quelques mois, mais pas pendant des années. Empêcher l’institutionnalisation des lavages de cerveau par l’isolement est pour nous la condition de notre survie, c’est en fonction de cela que les procès se dérouleront avec ou sans nous. Affirmer qu’il s’agit pour nous, par cette grève de la faim, de nous rendre nous-mêmes inaptes à la détention et inaptes à comparaître devant le tribunal – alors que chacun sait que des prisonniers politiques inaptes à la détention, sont des prisonniers morts – cette affirmation-là fait partie de la tactique de l’adversaire, c’est de la contre-propagande. Les services du procureur fédéral ont reculé ces procès pendant trois ans et demi, pour briser les prisonniers par l’isolement, la torture, le lavage de cerveau, l’aile morte, la psychiatrisation. Les services du procureur fédéral ne veulent plus de ces procès. Ou, s’ils les veulent, alors c’est sans les accusés et sans leurs défenseurs, parce qu’il est devenu évident que ces procès à grand spectacle contre la politique révolutionnaire – l’auto-représentation du pouvoir par l’Etat impérialiste (ce que veut Buback) – ne peuvent être mis en scène qu’en notre absence.

  • Malgré leur répétition constante, des mensonges ne deviennent pas crédibles ; et l’opinion publique a compris depuis longtemps que ces mensonges sont lancés

  • de mauvaise foi – pour jeter le doute sur la justice, ce que vous avez incontestablement réussi.

C’est parce qu’il s’agit de faits dont vous ne pouvez pas faire disparaître l’importance politique en les contestant.

  • Vous êtes en détention préventive, étant inculpés pour des délits graves tels que meurtre et tentative de meurtre. Ne subissez-vous pas les mêmes conditions de détention que les autres prisonniers en détention préventive ?

Nous réclamons la suppression des traitements spéciaux et il ne s’agit pas seulement de prévenus. Pour les prisonniers politiques, la justice ne fait pas de différence ; et à ce propos, nous disons que tout prolétaire prisonnier qui comprend politiquement sa situation et qui organise la solidarité, la lutte des prisonniers, est un prisonnier politique, quel que soit le motif qui l’a conduit en prison. La justice isole également des prisonniers qui sont déjà condamnés, pour certains depuis quatre années, comme Werner Hoppe, Hellmut Pohl, Rolf

Heissler, Ulrich Luther, Siegfried Knutz. Plusieurs milliers ici sont maltraités par le système pénitentiaire et à partir du moment où ils commencent à résister, sont brisés par l’isolement. C’est contre cela que nous luttons, par cette grève, en tant qu’action collective contre l’institutionnalisation de l’isolement. Dans les prisons anciennes, là où il manque les machines à isoler (sections pour les fauteurs de trouble, ce qui signifie ceux qui troublent l’inhumanité dont ils sont victimes) ces machines sont mises en place, comme à Tegel, Bruchsal, Straubing, Hannover, Zweibrücken, etc. Les nouvelles prisons incluent dans les principes de leur construction leur architecture, l’isolement comme système de détention. Ces principes s’orientent, en RFA, non pas vers les modèles suédois, mais au contraire vers les méthodes et expériences américaines et les méthodes fascistes de programmes de réhabilitation.

  • Concrètement, dites-nous en quoi consiste ce que vous appelez traitements spéciaux . Nous avons fait des recherches sur les conditions actuelles de détention du collectif RAF ; nous n’avons pu trouver la trace de traitements spéciaux, mais plutôt une série de privilèges.

Vous n’avez fait aucune recherche. Vous vous êtes laissés informer par la sûreté de l’Etat et par les services du procureur fédéral. Traitements spéciaux, cela signifie huit mois d’aile morte pour Ulrike, pour Astrid. Des années d’isolement social pour tous les prisonniers de la RAF. Des anesthésies de force, ordonnées par un tribunal aux fins d’enquête. Pendant plusieurs années, la promenade mains liées. Sur ordre permanent des tribunaux, utilisation immédiate de la force, ce qui signifie les vexations dans les cellules de tranquillisation, au cours des transports, des interrogatoires, des confrontations, lors des visites. La censure des journaux. Des lois d’exception. Des bâtiments spéciaux pour les procès contre les prisonniers de la RAF à Kaiserslautern et, à Stammheim, sur le budget de la sûreté de l’Etat évalué à 150 millions de marks, dans une forteresse de béton gardée par des unités de police de trois etats fédéraux, alors qu’il semble qu’au cours de ce procès les accusés et leurs défenseurs ne seront pas admis à l’audience – au cas toutefois où la justice laisserait des accusés en vie. Entraves faites aux défenseurs : publication de matériaux de la défense, de parties de dossiers et de dossiers de la sûreté de l’Etat, dans le cadre des campagnes du gouvernement visant à conditionner les verdicts et évincer les défenseurs. Manipulations des dossiers. La presse de Springer peut disposer de dossiers avant la défense alors que les services du procureur fédéral refusent d’en donner communication à la défense. Les défenseurs sont surveillés jour et nuit, leur courrier contrôlé, leur téléphone sur table d’écoute, et leurs bureaux sont perquisitionnés. Les avocats ont des sanctions disciplinaires de la part de leur barreau et d’inculpations pour leur travail d’information auprès de l’opinion publique. Les parents et visiteurs sont l’objet de pressions de la part de la sûreté de l’Etat, et ce jusque sur leur lieu de travail. Ils se font terrorisés par une surveillance non dissimulée. Ceux qui désirent nous écrire ou nous visiter sont espionnés et fichés par la sûreté de l’Etat. Celle-ci est obligée, sous la pression de la grève de la faim, de maquiller la réalité, et les ministères envoient des équipes filmer. En principe, rien n’est changé. Mais la réalité, à l’heure actuelle, c’est s’isolement organisé de l’intérieur des prisons avec une précision meurtrière : tout en restant isolés, les détenus peuvent se rencontrer, par deux, et seulement deux heures par jour. Cela n’empêche pas le processus de destruction, et ça reste un système coupé de l’extérieur. Cela signifie que le lavage de cerveau doit continuer et que l’interaction sociale doit être rendue impossible. Par rapport à l’extérieur, l’isolement est perfectionné par l’exclusion des défenseurs, ou en l’occurence la limitation au nombre de trois. Si l’on s’en réfère à la norme de Posser, six années d’isolement par exemple pour nous et à la responsabilité des services du procureur fédéral quant au recul de la date des procès, on comprend ce que signifie détention d’extermination. Prouvez-nous donc qu’un seul de ces “privilèges” n’existe pas !

  • Au début, vous avez décrit la nutrition forcée comme une machination fasciste ; après la mort de Holger Meins, vous avez parlé de meurtre. N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Cela ne vient pas de nous, mais la nutrition forcée est un moyen pour enlever à la grève de la faim son impact vers l’extérieur ; c’est ainsi que des stations médicales de réanimation ont été installées dans les prisons, afin de pouvoir dire que tout a été fait alors que le plus simple n’a pas été fait : supprimer l’isolement et les traitements spéciaux. Holger Meins a été exécuté par une sous-nutrition systématique ; la nutrition artificielle était, dès le début, à la prison de Wittlich une méthode pour assassiner. Au début, brutale, directe, violente, pratiquée pour briser la volonté, et par la suite pratiquée seulement en apparence. 400 calories par jour : il s’agit seulement d’une question de temps, de jours, jusqu’à ce que l’on meurt. Le procureur fédéral Buback et les services de sécurité ont manigancé cela en s’arrangeant pour que Holger Meins reste à la prison de Wittlich, jusqu’à qu’il soit mort. Le 21 octobre, le tribunal de Stuttgart avait ordonné le transfert de Holger Meins à Stuttgart au plus tard le 2 novembre. Dès le 24 octobre, Buback, procureur fédéral, faisait savoir au tribunal de Stuttgart que la date du transfert ne pouvait pas être respectée par la sûreté de l’Etat : cette information n’a toutefois été rendue publique qu’après la mort de Holger Meins. Pour terminer, le médecin de la prison Hutter a cessé complètement la nutrition artificielle et est parti en voyage. Il faut également préciser que l’office fédéral de police était informé sur l’état des prisonniers, pendant toute la durée de la grève de la faim, par les directions des prisons. Il faut souligner que Hutter, avant qu’il se retire, parce que Holger était mourant, a demandé à Degenhardt de lui assurer qu’il ne ferait l’objet d’aucune plainte – de la même manière, toutes les plaintes portées contre Degenhardt ont été annulées. Degenhardt est le médecin qui, durant l’été 1973, pendant la seconde grève de la faim, a supprimé l’eau à Schwalmstadt pour raisons médicales pendant neuf jours, jusqu’au coma. C’est ce médecin que Buback qualifiait de sommité médicale en parlant à Frey, qui soignait alors les prisonniers de Zweibrücken. Holger Meins a été assassiné d’après un plan portant sur la manipulation de la date du transfert ; c’est la faille qui permet au procureur fédéral et à la sûreté de l’Etat de viser directement les prisonniers. Le fait qu’aucun journaliste n’ait encore fait de recherches là-dessus, ni ne les ait publiées, ne signifie rien quant aux faits eux-mêmes ; au contraire, il souligne la collaboration et la complicité, l’amalgame entre les trusts de l’information, la sûreté de l’Etat, le procureur fédéral, la police fédérale et les services de renseignement.

  • Nous n’acceptons en aucune manière votre version du soi-disant meurtre à tempérament de Meins. Vous nous donnez l’impression d’une psychose de la persécution, ce qui serait très compréhensible après des années de clandestinité et de détention. Au Spiegel , nous avons critiqué le comportement du médecin de la prison Hutter ; le procureur a ouvert une instruction contre lui.

Il ne s’agit pas de Hutter, il n’est qu’un des médecins des prisons, ils n’ont rien à décider. La médecine pénitentiaire est organisée hiérarchiquement, et Hutter est tout au plus l’un des personnages qui est saisissable. Un porc, mais un petit ; il sera tout au plus rendu responsable bien que là aussi, aucune des personnes qui connaissent l’application des peines et la fonction réelle de la médecine pénitentiaire n’y croient. Ce que vous appelez critiquer c’est un vieux truc qui consiste à parler d’inconvénients, d’accidents de parcours afin de les rendre incompréhensibles, alors qu’en fait il ne s’agit pas d’accidents de parcours, mais de la société de classes, de sa justice, de ses camps de prisonniers. Compte tenu de la situation dans les prisons, de la démagogie fasciste autour de cette grève dans les médias, des concerts des politicards, des réactions incontrôlées par rapport à l’action nonviolente d’un petit groupe aux limites de la défensive – prisonnier et isolé – comme s’il s’agissait d’une attaque militaire (Strauss a parlé de droit de guerre), tout tend à montrer à quel point la couverture de légitimité du système est bouffée par ses crises politiques et économiques. C’est là que vous devriez chercher une maladie, en considérant l’intérêt réel qu’a l’Etat dans l’extermination des prisonniers de la RAF, plutôt que de baratiner de psychoses de persécution.

  • Les Britanniques ont supprimé récemment la nutrition forcée, par exemple pour les terroristes de l’IRA. Les grèves de la faim étaient terminées aussitôt. Comment vous comporteriez-vous, dans ce cas ?

Ce n’est pas notre problème. Le CDU exige l’arrêt de la nutrition forcée, de la même manière qu’elle met le cap ouvertement vers l’état d’exception, le fascisme, alors que le SPD oriente son potentiel électoral et de son histoire vers le même but, fascisation. Pénétration de l’Etat dans tous les domaines de la vie, militarisation totale de la politique, manipulation, endoctrinement du peuple par les médias, dans le sens des buts de la politique intérieure et extérieure de l’impérialisme ouest-allemand, c’est-à-dire camoufler et faire passer, vendre celle-ci comme politique pour le peuple, les socialement faibles , sous l’aspect de réformes. C’est ainsi que le CDU propage ouvertement le meurtre, alors que le SPD louvoie, essaie de camoufler les meurtres en suicide, et ne peut prendre position ouvertement pour la ligne dure de la sûreté de l’Etat, qui décide en dernier ressort de nos conditions de détention.

  • Ne voyez-vous pas de nouveau des fantômes ? Toutes les déclarations connues jusqu’à présent de la RAF ne se basent-elles pas sur les analyses insoutenables sur cet Etat, ce SPD, ce CDU, cette justice ? Nous voyons ici le défaut qui vous a fait perdre, jusqu’à présent, l’influence politique sur la population. Pour cette raison vous n’êtes pas en mesure de combattre cet état, si toutefois il le méritait de manière efficace, et pour cette raison vous ne trouvez pas de soutien à la base !

Ce sont un peu des inepties que vous essayez ici de tourner. Ce que vous déclarez insoutenable n’est avant tout pas marchandage, et notre position, le contre-pouvoir prolétarien, est par rapport à la vôtre, le pouvoir impérialiste antagoniste, analytique et pratique. Vous discutez des lacunes, des bases et des effets de la politique révolutionnaire, alors que votre boulot consiste à la remettre en question grâce à un journalisme qui, depuis longtemps, s’est ouvertement déclaré comme ayant un rôle positif dans le fonctionnement intérieur de l’Etat – cet Etat par rapport auquel la politique prolétarienne est la négation. Nous poser cette question à nous, en tant que question venant du Spiegel, cela n’a pas de sens. La théorie et la pratique ne deviennent unité que dans la lutte. C’est leur dialectique. Nous développons notre analyse comme une arme, ainsi elle est concrète ; et elle a été rendue publique là seulement où nous sommes en mesure de contrôler sa publication.

  • Vous ne voulez cesser votre grève de la faim que lorsque vos revendications auront été satisfaites ; avez-vous des perspectives de succès ? Dans le cas contraire, procéderez-vous à une escalade, et par exemple, commencerez-vous une grève de la soif si les revendications ne sont pas satisfaites ? Quelles actions préparez-vous à l’intérieur et à l’extérieur de la prison ?

Buback croit encore pouvoir briser la grève de la faim et l’utiliser afin de nous exterminer, au moyen du meurtre, de la psychiatrisation forcée. C’est pourquoi des stations de réanimation ont été installées dans les prisons. Stations où nous devons être ligotés vingt-quatre heures par jour, mis en état de somnolence par des psychodrogues, nourris de force, dans un immobilisme total, tant physique qu’intellectuel. C’est aussi le pourquoi de l’utilisation de la contre-propagande et de la guerre psychologique.

  • Psychiatrisation forcée, guerre psychologique, tout cela n’existe que dans l’imagination de la RAF.

Cela existe dans la réalité que vous propagez, qui est celle de l’impérialisme. Il y a eu l’anesthésie forcée contre Carmen, afin de prendre ses empreintes digitales, et contre Ulrike la décision de l’anesthésier pour une scintigrafie et en 1974 celle contre six prisonniers à Hambourg afin d’enquêter. La nutrition forcée n’est possible que si le prisonnier est sous anesthésie. Des prisonniers politiques, par exemple, à Hambourg et Essen : Beer, Pohl, Allnach, Blenck, Hoppe, Kroecher, ont été enfermés dans la cloche (cellule d’isolement) à plusieurs reprises pour quarante-huit heures et davantage, parce qu’ils appelaient un autre prisonnier pendant la promenade dans la cour, ou ne s’arrêtaient pas de courir pendant celle-ci, ou pour rien : isolés de tout bruit, ne pouvant pas même se lever pour chier, étant attachés par les mains et les pieds sur une planche, cela signifie une privation acoustique, privation des fonctions motrices, visuelles. L’effet est comme celui d’un narcotique. Vous pouvez affirmer que vous trouvez cela bien, mais vous ne pouvez pas dire que nous l’avons inventé, car tous ces faits sont attestés par des centaines de décisions de tribunaux. Le soutien par les publications qui lui était nécessaire, Büback l’a eu, entre autres par l’initiative de Heinemann, mais également par l’essai de Ditfurth, paru dans le Spiegel, précis quant au fascisme par les mots, pour qui meurtre et psychiatrisation forcés ne sont que des moyens lui permettant de véhiculer ses trucs cyniques, pour brutaliser le climat politique autour de la grève de la faim. Lorsque Carstens, à la mi-novembre, commença de propager ouvertement le meurtre contre nous, il y avait encore dans l’opinion publique comme un choc, une contradiction, de l’horreur. La fonction de Heinemann était d’écarter les doutes, là où ils subsistaient encore, par rapport à la ligne dure de Buback : auprès des intellectuels, des écrivains, des églises. Le rôle de ce personnage a toujours été de revêtir d’un langage doux le contenu agressif de la politique de l’impérialisme ouest-allemand ; un aspect qui donne l’apparence de ce que Heinemann croit être un contenu humaniste – en fonction des associations qu’il manipule. Les lettres de Heinemann étaient en réalité des appels nous demandant de nous soumettre au lavage de cerveau ou au meurtre. De la même manière, en tant que président fédéral, il a gracié Ruhland ; et par ses lettres, il a dirigé les condamnations à mort contre nous du procureur fédéral, avec le geste humaniste, qui libère la conscience de ses partisans. Ce qu’il voulait – comme à Pâques, en 1968, où, pendant sa législature, il a voulu intégrer les étudiants, les antifascistes traditionnels et la nouvelle gauche dans le nouveau fascisme – c’est préparer le terrain pour les meurtres. Si nécessaire, nous entamerons une escalade de cette lutte par une grève de la soif. Nous ne préparons pas d’actions, ni dedans, ni dehors, parce que nous sommes prisonniers et isolés.

  • La mort de Holger Meins a-t-elle été une chance pour le collectif RAF ?

Cela, c’est de la projection fasciste ; la réflexion de quelqu’un qui ne peut plus penser autrement qu’en termes du marché : le système qui réduit toute vie humaine à l’argent, l’égoïsme, le pouvoir, la réussite. Comme le Che nous disons : le guerillero ne doit risquer sa vie que si cela est absolument necessaire, mais dans ce cas sans hésiter un seul instant. Et cela est tout-à-fait vrai pour la mort de Holger : la résonance de l’histoire, celle qui s’est éveillée par la lutte armée anti-impérialiste, est entrée dans l’histoire des peuples du monde. Elle a brisé le boycott de l’information. Car, si beaucoup de gens ne s’éveillent seulement que lorsque quelqu’un est assassiné et à partir de ce moment commencent seulement à comprendre de quoi il s’agit, c’est que vous en êtes également responsable. C’est ainsi que le Spiegel a passé sous silence pendant huit semaines la grève de la faim de quarante prisonniers politiques afin d’empêcher solidarité et protection.

  • Nous avons fait des comptes rendus de la grève de la faim de la RAF plus d’une fois et de manière critique.

Votre premier compte rendu a paru le cinquante-troisième jour de la grève de la faim, soit cinq jours avant la mort de Holger Meins.

  • Etes-vous préparés à voir d’autres cas mortels ?

Buback attend ça dans son bureau.

  • Vous pensez bien que nous trouvons un tel soupçon monstrueux.

Oestreicher, le secrétaire-général d’Amnesty Angleterre, en tant que défenseur professionnel des droits de l’homme – qui, dans ses tentatives de conciliation, était entièrement du côté de l’Etat – après son entretien avec Buback, était “épouvanté de voir que Buback, froid comme la glace, jouait au poker avec la vie des prisonniers” (textuellement).

  • Quel est le point de départ de votre analyse de la situation en République fédérale allemande ?

Centre impérialiste. Colonie américaine. Base militaire américaine. Puissance dirigeante impérialiste en Europe et dans le Marché commun. Deuxième puissance militaire de l’OTAN. Représentant patenté des intérêts de l’impérialisme américain en Europe de l’Ouest. La fusion de l’impérialisme ouestallemand (politiquement, économiquement, militairement, idéologiquement, fondé sur les mêmes intérêts d’exploitation du Tiers-Monde, ainsi que sur l’homogénéité des structures sociales au moyen de la concentration des capitaux et de la culture de consommation) avec l’impérialisme américain caractérise la position de la République fédérale vis-à-vis des pays du Tiers-Monde : en tant que parti dans les guerres conduites contre eux par l’impérialisme américain, en tant que ville dans le processus révolutionnaire mondial d’encerclement des villes par les villages. Dans cette mesure, la guérilla dans les métropoles est une guérilla urbaine aux deux sens du terme : géographiquement, elle emerge, opère et se développe dans les grandes villes, et au sens stratégique et politicomilitaire elle est une guérilla urbaine car elle s’attaque de l’intérieur à la machine répressive de l’impérialisme dans les métropoles, elle combat comme unité de partisans sur les arrières de l’ennemi. C’est ce que nous entendons aujourd’hui par internationalisme prolétarien. En un mot : la République fédérale faisant partie du système étatique de l’impérialisme américain, n’est pas une nation opprimée mais une nation qui opprime. Dans un tel Etat, le développement du contre-pouvoir prolétarien et de sa lutte de libération, le démantèlement complet des structures dominantes, de pouvoir, ne peuvent être, dès leurs débuts, qu’internationalistes, ne sont possibles qu’en relation tactique et stratégique avec les luttes de libération des peuples opprimés. Historiquement : depuis 1918–1919, la bourgeoisie impérialiste – son Etat – possède l’initiative dans le déroulement des luttes de classe en Allemagne et est à l’offensive contre le peuple ; et cela jusqu’à ce que les organisations du prolétariat se soient trouvées totalement défaites dans le fascisme jusqu’à la défaite de l’ancien fascisme, défaite due non pas à la lutte armée, mais aux alliés occidentaux et à l’armée soviétique. Dans les années 20, il y a eu la trahison de la Troisième Internationale : alignement total des partis communistes sur l’Union soviétique, qui se trouve à l’origine de l’incapacité du KPD (parti communiste d’Allemagne) d’en venir à une politique orientée vers la révolution par la lutte armée et la conquête prolétarienne du pouvoir politique. Après 1945, il y a eu l’offensive lavage de cerveau de l’impérialisme américain contre le peuple au moyen de l’anticommunisme, de la culture de consommation, de la restauration et refascisation politique, idéologique, et finalement militaire sous la forme de guerre froide et d’une RDA (République démocratique allemande) qui n’a pas développé la politique communiste comme guerre de libération. Il n’y a pas eu ici de résistance antifasciste, de masses armées comme en France, Italie, Yougoslavie, Grèce, Espagne, en Hollande même. Les conditions pour cela ont été immédiatement brisées par les alliés occidentaux après 1945. Tout cela signifie pour nous et pour la gauche légale, ici : il n’y a rien à quoi nous rattacher, sur quoi nous appuyer historiquement, il n’y a rien que nous puissions présupposer d’une manière ou d’une autre en termes organisationnels ou de conscience prolétarienne, pas même des traditions démocratiques ou républicaines. Sur le plan de la politique intérieure, il s’agit là d’un des motifs qui rend possible sans retenue le processus de fascisation, la surcroissance et l’excroissance de l’appareil policier, de la machine de sûreté de l’Etat comme police de l’Etat dans l’Etat, la suppression factice de la division des pouvoirs, la promulgation de lois d’exception fascistes dans le cadre du programme de sécurité interne – depuis les lois d’urgence jusqu’aux lois d’exception actuelles qui permettent le déroulement de procès sans accusés ni défenseurs, comme pure entreprise de spectacle, mais également l’exclusion de radicaux des services publics, l’élargissement des compétences de l’office fédéral de police. Une démocratie qui n’a pas été conquise, qui n’est pour le peuple qu’un bourrage de crâne et n’a pas de base de masse, ne peut pas être défendue et ne l’est pas non plus. Tout cela, ce sont des conditions spécifiques au territoire politique de la République fédérale.

  • Jusqu’à présent, avec des bombes et des slogans vous n’avez pu obtenir l’adhésion que de très petits groupes d’intellectuels et sympathisants anarchistes. Croyez-vous encore pouvoir changer cela ?

Les guerres de libération des peuples du Tiers-Monde ont des répercussions économiques, politiques, militaires et idéologiques sur la société métropolitaine, que Lin Piao appelait couper les pieds à l’impérialisme. Elles accentuent les contradictions dans les métropoles. Les moyens et les méthodes que le système emploie pour nier ces contradictions deviennent dépassés. Les réformes se transforment en répressions, l’appareil militaire et policier est développé démesurément et ce d’autant plus que les moyens manquent. L’appauvrissement de la population, la militarisation de la politique, la répression intensifiée, tel est le développement forcé de la crise du système. Sortir d’une position politique et historique défensive et intervenir dans ce processus de désintégration est la condition de base de la politique révolutionnaire ici.

  • On vous reproche souvent un manque absolu d’influence sur les masses ainsi que de liaison avec la base. Imputez-vous cela au fait que le collectif RAF est éloigné de la réalité ? Avez-vous, entre-temps, affûté votre optique ? Beaucoup ont l’impression que vous n’attirez encore l’attention que là où vous suscitez de la pitié, en conséquence de quoi vous n’avez même pas l’approbation de l’extrême gauche. Où situez-vous vos partisans ?

Il y a la trace de la politique de la RAF. Pas d’adhérents, de suivistes, de successeurs. Mais la RAF et l’effet de notre politique se situent : 1° au niveau où beaucoup, modifiant leur opinion sur cet Etat étant donné les mesures prises par le gouvernement contre nous, commencent à le reconnaître pour ce qu’il est : la machine répressive de la bourgeoisie impérialiste ; 2° au niveau où nombreux sont ceux qui, s’identifiant avec notre lutte, prennent conscience, relativisent dans leur pensée, leur sensibilité et finalement dans leur action, l’absolutisme de pouvoir du système, et reconnaissent ce qu’il est possible de faire, que le sentiment d’impuissance ne reflète pas la réalité objective ; 3° au niveau de l’internationalisme prolétarien, de la conscience de la relation entre des luttes de libération dans le Tiers-Monde et ici, de la possibilité et de la nécessité de collaborer légalement et illégalement. Au niveau de la praxis : qu’il ne suffit pas seulement de parler, mais qu’il est possible et nécessaire, nécessaire et possible d’agir.

  • Voulez-vous être des cadres et le rester et provoquer seuls la chute du régime ou bien croyez-vous toujours pouvoir mobiliser les masses prolétariennes ?

Aucun révolutionnaire ne pense à renverser seul le système, c’est absurde. Il n’y a pas de révolution sans le peuple. De telles affirmations contre Blanqui, Lénine, Che Guevara, contre nous maintenant n’ont jamais été autre chose que la dénonciation de toute initiative révolutionnaire, la référence aux masses ayant pour fonction de justifier, de vendre la politique réformiste. Il ne s’agit pas de lutter seul, mais de créer à partir des luttes quotidiennes, des mobilisations et des processus d’organisation de la gauche légale, une avantgarde politicomilitaire, un noyau mettant en place une infrastructure illégale – condition préalable à la possibilité d’agir – en developpant une pratique qui pourra donner orientation, force et but aux luttes légales dans les usines, les quartiers, la rue et les universités, pour atteindre ce dont il s’agira dans les développements de la crise économique et politique de l’impérialisme : la prise du pouvoir politique. La perspective de notre politique – le développement pour lequel nous nous battons : un fort mouvement de guérilla dans les métropoles – est, au cours du processus de défaite de l’impérialisme américain, un moyen nécessaire, une étape, dans la mesure où les luttes légales et les luttes qui se développeraient spontanément à partir des contradictions du système pourraient être brisées par la répression dès qu’elles se manifestent. Ce que le parti de cadres bolchevique représentait pour Lénine, correspond à l’époque de l’organisation multinationale du capital, des structures transnationales de la répression impérialiste à l’intérieur et à l’extérieur, où nous nous trouvons aujourd’hui, à l’organisation du contre-pouvoir prolétarien issu de la guérilla. Au cours de ce processus – national et international – elle se développe en parti révolutionnaire. Il est stupide, en l’état actuel des luttes anti-impérialistes en Asie, en Amérique Latine, au Vietnam, Chili, Uruguay, Argentine, Palestine, de dire que nous sommes seuls. En Europe occidentale il n’y a pas seulement la RAF, il y a l’IRA, l’ETA, des groupes armés combattants en Italie, au Portugal, en Angleterre. Depuis 1968 il existe des groupes de guérilla urbaine aux Etats-Unis.

  • Votre base, à l’heure actuelle, serait une quarantaine de camarades de la RAF en prison, approximativement trois cents anarchistes dans la clandestinité en RFA. Qu’en est-il des sympathisants ?

Ces chiffres sont ceux de l’Office fédéral de police qui changent en permanence. Ils sont faux, les processus de prise de conscience ne se laissent pas quantifier si facilement. A l’heure actuelle, la solidarité est en train de devenir internationale. Parallèlement à une sensibilisation de l’opinion publique internationale qui agit de plus en plus ouvertement par rapport à l’impérialisme ouest-allemand, on assiste également au développement d’une sensibilité quant à sa répression intérieure. Parmi les organisations de la gauche, légale, depuis que la RAF existe, se développe un processus de discussions et de polarisation par rapport au problème de la politique armée. Un nouvel antifascisme est en train de se former, non plus basé sur la pitié apolitique avec les victimes et les persécutés mais identification avec la lutte anti-impérialiste, dirigé contre la police, la sûreté de l’Etat, les trusts multinationaux, contre l’impérialisme américain. Helmut Schmidt n’aurait pas compté la RAF, à l’occasion de son discours de Nouvel An, parmi les cinq réalités menaçants le plus l’impérialisme en 1974 – l’inflation mondiale, la crise du pétrole, l’affaire Guillaume, le chômage, la RAF – si nous étions des poissons sans eau, si la politique révolutionnaire ici avait une base si étroite qu’ils le prétendent dans la guerre psychologique.

  • L’une de vos troupes d’appui principale, du moins le prétend-on, serait la douzaine d’avocats qui ont la charge de coordination tant en dehors qu’à l’intérieur de la prison. Quels rôles jouent vos avocats ?

Les avocats engagés, les défenseurs qui connaissent nos dossiers, se politisent inévitablement, parce qu’à chaque instant, ils font l’expérience, littéralement dès leur première visite à un prisonnier de la RAF, que rien de ce qu’il considérait comme allant de soi en tant qu’instance judiciaire ne fonctionne plus. Les fouilles corporelles, le contrôle du courrier, les perquisitions dans les cellules, les persécutions, suspicions, les sanctions du barreau d’avocats, la guerre psychologique, les poursuites pénales, les lois décrétées sur mesure pour leur exclusion, de la défense, ce à quoi s’ajoute la connaissance des traitements spéciaux que nous subissons, leur impuissance totale à changer quoi que ce soit, par la procédure normale, c’est-à-dire en utilisant des arguments juridiques devant les tribunaux et l’expérience qu’ils font à tout moment, que ce ne sont pas les juges mais le Sicherungsgruppe Bonn (sûreté de l’Etat) et les services du procureur fédéral qui prennent toutes les décisions nous concernant, ce qui est une contradiction entre texte et réalité constitutionnelle, entre la façade de l’état constitutionnel et la réalité de l’état policier, a fait des défenseurs de la constitution des antifascistes. La volonté d’assimiler ces avocats à nous, d’en faire des troupes auxiliaires, ce qu’ils ne sont pas, fait partie de la stratégie du BKA et des services du procureur fédéral. Dans la mesure où la justice est annexée dans ce procès par la sûreté de l’Etat pour servir les buts de la contreinsurrection, où elle est utilisée comme instrument dans la stratégie d’extermination menée contre nous, par les services du procureur général, les défenseurs qui se basent sur le principe de la séparation des pouvoirs sont considérés comme des obstacles à la fascisation et doivent donc être combattus.

  • Avez-vous des problèmes de démarcation politique, vis-à-vis des autres groupes anarchistes opérant dans la clandestinité ?

Pas vis-à-vis du Spiegel.

  • Qu’en est-il du mouvement du 2 juin qui approuve le meurtre à Berlin-Ouest du juge Drenkmann ?

Demandez-le au mouvement du 2 juin.

  • Que pensez-vous de ceci : le meurtre de Drenkmann a-t-il servi à quelque chose ?

Drenkmann n’est pas devenu la plus haute autorité judiciaire d’une ville de trois millions d’habitants sans avoir détruit la vie de milliers de personnes, sans leur avoir enlevé le droit de vivre, sans les avoir étranglés en s’appuyant sur des paragraphes, enfermés dans des cellules de prison, sans avoir brisé leur avenir. Il y a aussi le fait que malgré l’invitation des plus hautes autorités ouest-allemandes, le président de la République et le président de la Cour constitutionnelle, 15.000 Berlinois seulement se sont rendus à l’enterrement, et cela dans une ville qui, autrefois, mobilisait de 500 à 600.000 personnes pour des manifestations anticommunistes. Vous savez vous-même que l’indignation suscitée par cet attentat contre la justice berlinoise n’est que de la propagande et de l’hypocrisie, que personne ne porte le deuil pour ce masque, et que cet exercice imposé n’était qu’un moyen de communication bourgeois et impérialiste. L’indignation exprimait un réflexe d’adaptation à un certain climat politique. Celui qui, sans être lui-même élite dirigeante, s’identifie spontanément à une telle mascarade de justice, dit seulement de lui que là où l’exploitation règne il ne peut se pencher que du côté de l’exploiteur. En termes d’analyse de classes, les protestations en faveur de Drenkmann, là où elles émanaient de la gauche et des libéraux, n’ont fait que les démasquer.

  • Ce que nous en savons est quelque chose de tout à fait différent. Nous savons que Drenkmann a été abattu et nous tenons pour une impudence l’apologie de ce meurtre par la RAF. Celui-ci se réduit à une justice de lynch pour un délit apparemment commis de façon collective par une justice que vous qualifiez de fasciste. Même lorsqu’on accepte la maxime que la fin justifie les moyens (ce que vous faites ouvertement), le meurtre de Drenkmann, eu égard à l’effet qu’il a produit sur le public, constitue une défaite pour le collectif RAF.

Nous ne justifions rien. La contre-violence révolutionnaire n’est pas seulement légitime, elle est notre seule possibilité et nous savons, nous, qu’au cours de son développement, elle donnera à la classe pour laquelle vous écrivez, d’autres occasions d’autoreprésentations bigottes que la tentative de faire prisonnier un juge. Votre indignation doit être mise en relation avec votre silence sur l’attentat de Brème, lorsqu’une bombe a explosé dans une consigne automatique peu après l’annulation d’un match de foot. Au contraire de l’action contre Drenkmann cette bombe n’était pas dirigée contre un membre de la classe dirigeante mais contre le peuple, il s’agissait d’une action fasciste sur le modèle de la CIA. Comment expliquez-vous, dans ce cas, que la police de la gare de Brème était déjà en état d’alerte le matin du 7 décembre – jour où la bombe explosa à 16 h 15 de l’après-midi – car elle avait été prévenue par l’office de la police de l’état de Hesse que l’on s’attendait à cet attentat dans les gares et dans les trains ? Comment expliquez-vous que la protection civile de Brème-Nord avait déjà reçu à 15 h 30 l’ordre d’intervenir et d’envoyer cinq ambulances à la gare principale parce qu’une bombe allait y exploser, que la police était déjà là immédiatement après l’explosion avec l’information toute prête, selon quoi elle n’avait pas été mise au courant d’une attaque à la bombe à 15 h 56 et cela concernant un grand magasin du centre de la ville ? Ainsi les autorités de Brème n’étaient pas seulement prévenues du temps et du lieu exacts mais elles disposaient aussitôt après l’explosion d’une information qui taisait, manipulait et détournait d’eux le scénario réel de leurs propres mesures ? Qu’en est-il alors de votre indignation ?

  • Nous vérifierons les faits que vous dépeignez. Vous seuls, dans la clandestinité, avez, mis l’accent sur la violence. Lorsque les bombes ont explosé à Munich, à Heidelberg et à Hambourg, la RAF a tenu cela pour un fait politique et l’a revendiqué comme tel. Considérez-vous la violence contre les choses et les personnes comme un concept inefficace – qui n’entraîne pas la solidarité mais repousse – ou avez-vous plutôt l’intention de continuer dans cette voie ?

La question, c’est, qui repousse qui ? Des photos de nous étaient accrochées aux palissades dans les rues d’Hanoï car l’attaque d’Heidelberg revendiquée par la RAF a détruit l’ordinateur au moyen duquel étaient programmés et dirigés des bombardements américains sur le Nord-Vietnam. Les officiers, les soldats et les politiciens américains se sont sentis repoussés car, à Francfort ou à Heidelberg, ils ont soudain été confronté à la guerre du Vietnam et ne se sentaient plus en sécurité sur leurs arrières. La politique révolutionnaire doit être aujourd’hui en même temps politique et militaire. C’est ce qui ressort de la structure de l’impérialisme : le fait que sa domination doit être assurée, à l’intérieur et à l’extérieur, dans les métropoles et dans le Tiers-Monde, d’abord militairement au moyen de pactes et d’interventions militaires, de programmes de contre-guérilla et de sécurité interne, c’est-à-dire l’élaboration à partir de l’intérieur de son appareil de violence. Etant donné le potentiel de violence de l’impérialisme, il n’y a pas de politique révolutionnaire sans résoudre la question de la violence à chaque étape de l’organisation révolutionnaire.

  • Comment vous vous voyez vous-mêmes ? Vous rangez-vous au nombre des anarchistes ou des marxistes ?

Marxistes. Mais la conception de l’anarchisme par la sûreté de l’Etat n’est rien d’autre qu’un brandon anticommuniste, qui ne tient à rien qu’à l’usage d’explosifs. Il est destiné en tant que rhétorique de la contrerévolution, étant donné la précarité des conditions de vie dans la sphère capitaliste, à manipuler les angoisses latentes, et toujours à portée de la main, du chômage, de la crise et de la guerre, afin de vendre, par le biais des mesures de sécurité interne, le peuple à l’appareil d’Etat : police, services secrets, armée en tant qu’instruments du maintien de l’ordre et de la sécurité. Il vise à la mobilisation réactionnaire et fasciste du peuple, afin d’entraîner de façon manipulative une identification avec l’appareil de violence d’Etat. Il s’agit aussi d’une tentative d’usurper au profit de l’Etat impérialiste la vieille querelle entre révolutionnaires marxistes et révolutionnaires anarchistes, de jouer contre nous l’affadissement opportuniste du marxisme orthodoxe qui dit que les marxistes ne doivent pas s’attaquer à l’Etat mais au capital, que seulement les usines et non les rues peuvent être le centre des luttes de classe, etc. Selon cette fausse compréhension du marxisme, Lénine était anarchiste et son livre L’Etat et la Révolution un écrit anarchiste. Il est cependant le livre stratégique par excellence du marxisme révolutionnaire. L’expérience de tous les mouvements de guérilla est simple : l’instrument du marxisme-léninisme, ce que Lénine, Mao, Giap, Fanon, Che, ont emprunté à la théorie de Marx, et développé, ce qui pour eux était utile, est une arme dans la lutte anti-impérialiste.

  • La guerre populaire conçue par la RAF est devenue dans la conscience du peuple – semble-t-il – une guerre contre le peuple. Böll a parlé une fois des 6 contre 60 millions.

IL s’agit là d’un voeu impérialiste. C’est de cette façon qu’en 1972 le journal Bild a retourné la notion de guerre populaire en guerre contre le peuple. Si vous considérez le journal Bild comme la voix du peuple... Nous ne partageons pas le mépris de Böll pour les masses, car l’OTAN, les holdings multinationaux, la sûreté de l’Etat, les 127 bases militaires américaines en Allemagne, Dow Chemical, IBM, General Motors, la justice, la police, le BGS ne constituent pas le peuple, et la suggestion que la politique du cartel pétrolier, de la CIA, du BND, de la Cour constitutionnelle puisse être une politique pour le peuple, que l’Etat impérialiste incarne le bien-être de tout le monde – marteler cela dans la tête du peuple, c’est exactement cela l’affaire du journal Bild, du Spiegel, de la guerre psychologique menée par la sûreté de l’Etat contre le peuple, contre nous.

  • Vox populi, vox RAF ? Ne remarquez-vous pas que plus personne ne descend dans la rue pour vous ? Lorsqu’il y a un procès contre la RAF, vous ne rassemblez plus dans les tribunaux que de petits groupes ; ne remarquez-vous pas qu’à partir du moment où vous avez lancé des bombes autour de vous, plus personne ne tient de lit à votre disposition ? Tout cela éclaire cependant en grande partie le succès des recherches entreprises contre la RAF depuis 1972. C’est vous et non Böll qui méprisez les masses.

Super, que vous répercutiez encore les platitudes de Hacker – mais la situation se trouve caractérisée par une gauche légale encore tactiquement faible et éparse, qui ne peut pas transformer la mobilisation réactionnaire en mobilisation révolutionnaire contre la force de répression dans un cadre national. Cette question ne se pose même pas. Nous disons que c’est précisément dans cette contradiction qu’une politique prolétarienne peut devenir la politique du prolétariat seulement en s’armant, par des transmissions qui en tant que problèmes de la révolution, de la stratégie, de l’analyse de classe certainement dépassent votre plate polémique. La RAF n’est pas le peuple mais un petit groupe qui a commencé la lutte, en tant que partie du peuple, qui ne deviendra force de l’histoire pour soi dans la lutte contre l’impérialisme, au cours du long processus des guerres de libération. La RAF, sa politique, sa ligne, ses actions sont prolétariennes, sont un début de contrepouvoir prolétarien. La lutte a commencé. Vous parlez du fait que certains d’entre nous sont prisonniers – cela constitue une defaite. Vous ne parlez pas du prix politique déjà payé par l’état impérialiste contre un petit groupe comme la RAF. Parce qu’un des buts de l’action révolutionnaire, sa tactique dans cette phase de construction, est de contraindre l’Etat à agir ouvertement, de le contraindre à une réaction, qui révèle les structures de la répression, de l’appareil de répression, qui les rend perceptibles, et ainsi se propose comme condition de lutte de l’initiative révolutionnaire. Marx dit : “Le progrès révolutionnaire se fait par la création d’une contrerévolution puissante et unifiée, par la création d’un ennemi qui amènera le parti de l’insurrection à atteindre par la lutte la maturité qui fera de lui le véritable parti révolutionnaire.” L’étonnant n’est pas que nous ayons subi une défaite, mais que depuis cinq ans la RAF existe – les faits dont parle le gouvernement ont changé. En 1972, d’après un sondage, 20% des adultes avaient déclaré qu’ils accepteraient des poursuites judiciaires pour pouvoir cacher chez eux l’un d’entre nous. En 1973, une enquête parmi les écoliers revelait que 15% d’entre eux s’identifiaient aux actions de la RAF. Il est sûr que la politique révolutionnaire ne se fonde par sur des enquêtes démographiques, car le processus de prise de conscience, de connaissance et de politisation n’est pas quantifiable. Mais c’est cela que signifie la théorie du développement de l’insurrection armée en guerre populaire prolongée – que dans le combat contre la structure de pouvoir de l’impérialisme le peuple trouvera à long terme son avantage, se délivrera de l’emprise des lavages de cerveau par les médias. Parce que notre combat est de la Realpolitik, c’est un combat contre les ennemis réels du peuple, tandis que la contrerévolution est contrainte à mentir. Il y a cependant le problème du chauvinisme des métropoles dans la conscience du peuple, lequel, en termes de catégorie économique, est mal défini par le concept d’aristocratie ouvrière. Il y a le problème que l’identité nationale dans les métropoles ne peut être que réactionnaire, comme identification avec l’impérialisme. Cela signifie dès le début que la conscience révolutionnaire dans le peuple n’est possible que dans le cadre de l’internationalisme prolétarien, dans l’identification avec les luttes de libération anti-impérialistes des peuples du Tiers-Monde, et ne peut pas seulement se développer à travers les luttes de classes ici. Etre cette articulation, réaliser l’internationalisme prolétarien comme condition de base de la politique révolutionnaire, être de cette façon la liaison entre les luttes de classe ici et les luttes de libération du Tiers-Monde, est l’affaire de la guérilla dans les métropoles.

“...parce que ma soeur et moi, nous étions très proches.”

Entretien avec Wienke Zitzlaff, la soeur d’Ulrike Meinhof

Journal junge Welt, supplément du weekend du 7–8 mai 2016

Quand Ulrike Meinhof a trouvé la mort il y a quarante ans, elle avait 41 ans, sa soeur Wienke 44. Les deux soeurs avaient chacune leur propre histoire politique, qu’elles partagaient l’une avec l’autre. Après l’arrestation de sa soeur en 1972, Wienke s’est engagée pendant des décennies pour les prisonniers de la RAF, contre la détention en isolation et pour leur libération. Dans une interview avec Ron Augustin, elle parle de l’évolution, de la détention et de la mort de sa soeur.

  • Il y a un documentaire sur Patrice Lumumba, dans lequel les circonstances détaillées de sa mort ont été présentées après quarante ans. Quand tu as vu ce film[1], qui a été tourné par Thomas Giefer, camarade d’études de Holger Meins, tu as dit que cela prendra peut-être quarante ans avant que nous sachions ce qu’il s’est passé à Stammheim. Est-ce qu’il y a des faits nouveaux ?

Non, les conclusions de la Commission Internationale d’Enquête, qui ont été présentées à Paris en 1979[2], ont démontré tellement de contradictions dans les rapports officiels qu’il n’y a pratiquement eu que des efforts pour les escamoter. Je n’ai pas envie de tout énumérer encore une fois, mais Ulrike se serait pendue à une grille de fenêtre qui était couverte par une plaque en toile métallique. Les photos de police dans le dossier de l’instruction judiciaire montrent que son pied gauche était encore appuyé sur une chaise quand elle a été trouvée. La corde, à laquelle elle pendait, était si fragile et si longue qu’elle aurait dû rompre ou que la tête aurait dû glisser au dehors au moment de sauter. L’absence de saignements dans les conjonctives et d’autres indices sont plutôt atypiques pour un suicide, et la Commission Internationale d’Enquête a conclut que ma soeur devait déjà être morte quand elle a été pendue.

  • Tu soupçonnes qui ?

Là-dessus je ne sais que spéculer. Mais il y avait un escalier de secours, une cage d’escalier tout à fait indépendante de la circulation carcérale, qui menait de dehors jusqu’ à exactement devant sa cellule au septième étage. N’importe qui aurait pu y accéder.

  • Comment est-ce que tu avais appris sa mort, est-ce que tu as pu la voir encore ?

Alors le 9 mai à 9 heures du matin il y avait dans les infos qu’Ulrike se serait suicidée. Avec l’avocat Axel Azzola, je suis tout de suite allée à Stammheim. Quand nous sommes arrivés, le corps avait déjà été enlevé de là. Gudrun Ensslin avait voulu la voir, mais le procureur fédéral l’a interdit. Moi je devais l’identifier avant l’autopsie, à part cela je ne pouvais pas la voir. Azzola a obtenu qu’on pouvait brièvement parler avec Gudrun, que j’ai vu alors pour la première fois. Je ne sais plus trop de quoi on a discuté, mais elle a parlé de son dernier entretien avec Ulrike, la veille à la fenêtre, où elles ont encore ri toutes les deux. Le même jour il y avait une conférence de presse des avocats à Stuttgart. Là, je me suis levée et j’ai expliqué qu’Ulrike m’avait dit clairement, encore quand elle était à Cologne-Ossendorf, si je meurs en prison, c’est qu’on m’a tué, je ne me suiciderai jamais. A ce moment, elle était encore dans une aile morte, totalement isolée.

  • Puis, le procureur Kaul a fait diffuser dans les média qu’il y avaient des tensions entre les prisonniers, qui auraient “poussé l’idéologue en chef de la RAF vers la mort”. Les médias recevaient des extraits de lettres qui étaient supposés le prouver. En effet, des extraits étaient diffusés qui étaient vieux de presque un an, issus d’une discussion qui se faisait difficilement mais qui était terminée depuis lors. Gudrun parlait d’un “processus de consolidation” qui s’était produit entre eux. Parce que les extraits de lettres étaient publiés hors contexte et partiellement falsifiés, les prisonniers ont autorisé leurs avocats à faire circuler cette correspondance dans son ensemble. Evidemment, les médias l’ont ignoré.

A la fin, Ulrike, avec les autres à Stammheim, travaillait sur les textes pour le procès. Quand, le 4 mai 1976, ils y ont thématisé la fonction de l’Allemagne dans la chaîne impérialiste, Ulrike n’était pas dans la salle d’audience mais dans une cabine de visite au sous-sol, où elle préparait la prochaine intervention avec l’avocat Heldmann. Par la suite, cette requête, sur le rôle de Willy Brandt et la socialdémocratie dans la guerre du Vietnam, a été présentée au procès par Andreas Baader. Le 6 mai, elle avait avec l’avocat Oberwinder une, comme il disait, “discussion vive où Madame Meinhof exposait le point de vue du groupe” et le 7 mai, deux jours avant sa mort, elle discutait avec l’avocat italien Giovanni Capelli de plusieurs projets internationaux. Déjà en 1971, quand les recherches contre Ulrike et les autres étaient encore en cours, on suggérait des “tensions” au sein du groupe, pour la diffamer. Elle incarnait “la voix de la RAF” et il y a encore toujours pas mal de gens qui aiment la présenter comme une “séduite”, pour la “sauver pour sa classe bourgeoise”, comme l’écrivait récemment un journal allemand. Ils aiment oublier qu’elle était une communiste, avec une longue histoire politique qui remonte aux années cinquante. Je pense que les versions officielles n’avaient pas trop d’emprise sur moi, parce que ma soeur et moi, nous étions très proches.

  • Quand est-ce que tu l’as vu vivante pour la dernière fois ?

La dernière visite était en mars 1976. Après, alors après sa mort, j’ai pu visiter Jan Raspe, Gudrun et Andreas. Là, dans un contexte de travail autour de la création d’une Commission Internationale d’Enquête, s’est developpée une relation de confiance. J’avais chaque fois une heure et demie de visite avec chacun d’eux, alors le plus souvent le matin, l’après-midi et le jour suivant une heure et demie. Cela signifiait que les prisonniers pouvaient parler entre eux de ce qu’ils avaient discuté avec moi et qu’on ne devait pas tout répéter. Et bien des fois Gudrun était la dernière, alors souvent cela se passait de telle manière qu’on se disait, vous avez déjà tout discuté, alors racontes, comment ça va avec toi, et des trucs comme ça. Nous nous entendions bien. C’était ça qui était impressionnant dans toutes ces rencontres. Et c’est pour ça aussi que je suis si sensible contre les distorsions ridicules dans les médias. Tu as à faire à des gens, simplement, qui dans une situation concrète se comportent concrètement. Ça aide énormément.

  • Ta première visite en prison a eu lieu une semaine après l’arrestation d’Ulrike. Est-ce qu’elle t’avait raconté ce qu’on lui a tout fait subir avant qu’on ne permette à son avocat de la voir ?

Les visites étaient toujours en compagnie de fonctionnaires de la Securité de l’Etat. Souvent il y avait Alfred Klaus de la Police Fédérale, le “flic de famille” qui a fait les premiers “psychogrammes” de membres de la RAF. Beaucoup de choses ne pouvaient pas être abordées parce qu’on menaçait de terminer la visite. Mais je savais par son avocat qu’il n’a pu la voir que quatre jours après son arrestation, après qu’elle ai dû subir un tas d’examens corporels dégradants sous la menace d’une anesthésie d’éthère forcée. Elle a dû être frappée aussi, elle avait des bleus partout. Jutta Ditfurth a encore décrit tout cela dans son livre. [3]

Ulrike était à Cologne-Ossendorf dans une aile morte, c’est-à-dire dans l’isolation totale, même aucoustique, sans d’autres prisonniers. L’isolation en tant que détention individuelle était connue déjà du temps de l’interdiction du KPD, du Parti Communiste allemand. Par les communistes, qui étaient enfermés pendant les années cinquante, nous savions qu’ils utilisaient des signes de frappe pour communiquer de cellule en cellule. Mais Ulrike était seule dans cette aile, il n’y avait personne avec qui communiquer. Je lui ai parlé de mes expériences avec des personnes sévèrement handicapées, de leur isolation dans cette société, et de leur combat, parce que l’isolation réduit si terriblement l’être humain. Alors, après qu’elle avait été d’abord huit mois et puis encore des semaines dans l’aile morte, elle a écrit ce texte qui commence par la phrase “le sentiment que la tête explose…”[4], où elle décrit ce qu’il se passe là-dedans.

Ensuite, le procureur fédéral a essayé de la faire entrer dans un établissement psychiatrique pour une expertise sur son état mental. Quand cela ne marchait pas, une scintigraphie du cerveau sous anesthésie forcée fut ordonnée, sous le prétexte qu’Ulrike avait une tumeur cérébrale qui pourrait amener à prouver son aliénation mentale ou à justifier une intervention chirurgicale. En vérité, ce qui dans les médias est présenté chaque fois de nouveau comme une tumeur cérébrale était un simple fongus sanguin inoffensif qui a été constaté et traité pendant sa grossesse en 1962. Bienque le procureur fédéral le savait parfaitement, il l’a utilisé pour mettre en question la santé mentale d’Ulrike. Ces tentatives de psychiatrisation n’ont pu être empechées que par une large mobilisation publique dans tout le pays et à l’étranger.

Ulrike est souvent presentée comme si elle s’était fait séduire et utiliser par les autres, notamment par Andreas. C’est ridicule, c’est elle qui avait l’expérience politique la plus longue, elle était une des porte-paroles des plus éloquentes du mouvement étudiant, plus conséquent que beaucoup de l’époque. Et elle avait un caractère vachement fort. Dans la clandestinité et en prison elle était identique avec elle-même, elle a écrit, lutté, avec les autres. Les clichés dans les médias sont toujours les mêmes, pré-découpés il y a 45 ans par son ex-mari Röhl et l’ami de celui-ci, Stefan Aust, pour effacer en elle “la voix”, c’est-à-dire l’identité politique du groupe.

  • Tu étais la directrice d’une école spéciale, est-ce qu’à ton lieu de travail ou ailleurs tu n’as jamais eu des problèmes à cause de l’histoire avec ta soeur ?

Mais biensûr. Toute la période de 1970 à 1972, quand Ulrike était encore recherchée, j’ai été observée en permanence par la police. Où que j’aille, la police me suivait, souvent ouvertement. Deux fois, Alfred Klaus de la police fédérale est venu chez moi en exigeant que je rencontre ma soeur pour la persuader de se rendre, autrement elle sera certainement tuée.

Puis, le parti des démocrates-chrétiens CDU avait ouvert sa campagne électorale en attaquant la réforme scolaire du parti social-démocrate SPD avec comme pire exemple la soeur d’Ulrike Meinhof. Je n’étais pas dans le SPD, alors il n’y avait pas de souci de ce côté, mais c’était clair qu’ils voulaient tenir le gouvernement local responsable du fait que je pouvais maintenir ma position dans mon école, et ça s’est passé comme ça pendant des années. Evidemment, mes positions politiques étaient aussi en cause. J’étais de gauche, j’ai formulé une critique fondamentale par rapport à la pédagogie pour personnes handicapés, mais j’étais aussi solidaire de ma soeur, je ne me suis pas distanciée d’elle. Pendant la grève de la faim des prisonniers, en 1974, j’ai été arrêtée une fois dans le cadre du travail des comités. Après, c’est venu dans les infos à la télé, et une demie heure plus tard le président du conseil des parents, un travailleur aux chemins de fer, est venu à la maison pour voir si j’allais bien, et il a convoqué une réunion des parents, où les parents ont dit, ce n’est pas comme ça qu’on traite notre directrice. Alors il y avait quelque chose là, de la solidarité, évidemment ça aussi c’était une épine dans le pied des autorités scolaires. A la fin, j’ai pris ma pension anticipée. Ils étaient contents de se débarasser de moi. Après la conférence de presse de la Commission Internationale d’Enquête à Paris en 1979, je ne pouvais plus faire de visites chez les prisonniers jusqu’en 1992, parce que je mettais en danger “la sécurité et l’ordre de l’établissement”.

  • Comment as-tu discuté avec Ulrike des développements politiques respectifs ? Est-ce que tu avais perçu les moments décisifs menant à la RAF ?

Ulrike et moi, nous avons chacune notre propre histoire politique, avec beaucoup d’échanges. Donc, elle a, par exemple, travaillé sur les enfants en besoin d’éducation spéciale, et pour cela elle est venue dans mon école. Elle a beaucoup contribué à ce que j’obtienne tous les livres des pédagogues des années vingt, parce qu’ils n’existaient qu’en reproductions illégales, et elle pouvait se les procurer. Nous nous sommes politisées toutes les deux dans le mouvement contre le réarmement de l’Allemagne, nous participions à la fondation du parti DFU, l’union de paix allemande, qui était une tentative de créer une large coalition de gauche. Ensuite, Ulrike a été, pendant cinq ans, membre du KPD, le parti communiste interdit. Après, c’est le SDS, l’organisation des étudiants, qui s’est radicalisée et c’était les débuts de l’APO, de l’opposition extraparlementaire des années soixante. Ulrike a abandonné ses études pour pouvoir se consacrer entièrement au travail journalistique, principalement au sein de la rédaction de la revue Konkret, mais aussi dans d’autres revues et pour la radio et la télévision. Elle était une des voix des plus importantes du mouvement étudiant. Tout le monde s’arrachait ses articles basés sur des recherches approfondies. Quand nous les soeurs nous rencontrions, nous parlions de nos enfants, mais aussi de la situation politique, des mouvements de libération, du Vietnam. En février 1968 a eu lieu le congrès international sur le Vietnam. Ulrike avait déménagé à Berlin quatre jours auparavant. En octobre, elle fit la connaissance d’Andreas et Gudrun lors de leur procès pour la mise à feu de deux grands magasins à Francfort. Elle m’a raconté à quel point elle était impressionnée par leurs idées politiques. Avec Konkret elle n’avait déjà plus grand chose à faire, comme elle l’avait exprimé aussi dans un de ses derniers articles sous le titre de “Columnisme”[5]. Elle a encore travaillé sur le film Bambule (Mutinerie), elle a participé dans un comité de quartier dans la banlieue berlinoise Märkisches Viertel, elle a surtout mené des discussions importantes au niveau international.

Je ne savais pas qu’Ulrike participait à la libération d’Andreas Baader. Elle m’avait raconté qu’il avait été arrêté et que d’une manière ou d’une autre il devait être sorti de prison. Quatre semaines avant de disparaître elle est venue chez moi pour s’assurer que je m’occupe de ses enfants au cas où il arriverait quelquechose.

Alors, quand la libération d’Andreas était dans les infos, je me suis doutée qu’elle avait quelquechose à faire avec ça, et je suis tout de suite allée à la maison pour pouvoir prendre les enfants. Finalement l’histoire avec les enfants s’est passée autrement, mais de toute façon sa décision pour la clandestinité était claire à ce moment. Plus tard, elle a elle-même motivé ce pas avec le fait que, pour elle, “opposition politique et clandestinité sont devenues identiques.” [6]

Déclaration de la Commission internationale d’enquête sur la mort d’Ulrike Meinhof

Conclusions

Au terme de son travail, la Commission internationale d’enquête sur la mort d’Ulrike Meinhof a pris connaissance du rapport ci-après établi par son secrétariat. Sans prendre à son compte chaque formulation, elle souligne toutefois qu’il s’agit d’un travail sérieux réalisé grâce à la collaboration d’experts qualifiés. Il mérite d’être pris en considération et largement diffusé.

Pour résumer le sentiment sur lequel s’est fait l’accord de ses membres, la Commission a constaté :

  • qu’Ulrike Meinhof a été soumise à plusieurs reprises et pendant de longues périodes à des conditions de détention que l’on est obligé de qualifier de torture. Il s’agit de cette forme de torture qu’on appelle isolement social et privation sensorielle, communément appliquée en République fédérale d’Allemagne à de nombreux prisonniers politiques et détenus de droit commun ;

  • que la thèse des autorités de l’État selon laquelle Ulrike Meinhof se serait suicidée par pendaison n’est pas prouvée et que les résultats de l’enquête de la Commission tendent à montrer qu’Ulrike Meinhof n’a pu se pendre elle-même ; — que les résultats de l’enquête suggèrent qu’Ulrike Meinhof était morte lorsqu’on l’a pendue et qu’il y a des indices troublants de l’intervention d’un tiers en relation avec cette mort.

La Commission ne peut exprimer de certitude sur les circonstances de la mort d’Ulrike Meinhof.

Cependant, le fait qu’en dehors du personnel de la prison les services secrets avaient accès aux cellules du 7e étage par un passage séparé et secret autorise tous les soupçons. Les résultats de l’enquête que la Commission présente ici rendent plus urgente la nécessité de constituer une Commission internationale d’enquête sur les morts de Stammheim et de Stadelheim.

La Commission remercie la soeur d’Ulrike Meinhof qui a mis tous les documents en sa possession à sa disposition, ainsi que toutes les personnes et organisations qui ont facilité le travail entrepris, qui l’ont soutenu et qui l’ont aidé financièrement. Ce travail a été financé uniquement par ces participations et n’aurait pas été possible sans elles. La Commission remercie également toutes les personnes qui se sont occupées de la publication du présent rapport.

Paris, le 15 décembre 1978

La deuxième mort des prisonniers

Ron Augustin, journal junge Welt, le 10 septembre 2007

Le matin du 18 octobre 1977, au quartier de haute sécurité de Stammheim, trois prisonniers de la RAF ont été retrouvés morts ou mourants et une prisonnière grièvement blessée. Bien que les autopsies aient été remises à 16 heures de l’après-midi “pour raison policière”, le gouvernement du Bade-Wurtemberg propageait dès 9 heures du matin la nouvelle que les prisonniers s’étaient suicidés. A 14 heures, le porte-parole du gouvernement fédéral, Klaus Bölling, tentait de conditionner la presse rassemblée pour sa version du suicide, tandis que la fraction social-démocrate se voyait intimer l’ordre par Willy Brandt de “laisser de côté” les “petites divergences” sur les circonstances.

Puisqu’à l’époque je faisais partie des quelques 70 prisonniers soumis au “gel des communications” (“Kontaktsperre”), je n’ai appris la mort des prisonniers que le lendemain, lorsque ma cellule à Hanovre fut fouillée sur ordre de la police fédérale, et que l’on me mit au courant des “faits” selon lesquels Andreas Baader et Jan Raspe se seraient tués avec des armes à feu, Gudrun Ensslin se serait pendue avec un câble électrique et Irmgard Möller se serait blessée de plusieurs coups de couteau.

Dans un premier temps, je restai sous le choc de cette nouvelle – de nouveau, plusieurs d’entre nous étaient morts, dont ceux et celles qui dans ma vie étaient les personnes les plus importantes. J’étais désespéré, mais ne pouvais pas trop le montrer parce qu’au moment même commença la terreur d’une surveillance permanente et donc le combat contre celle-ci. Des mois entiers, je fus surveillé 24 heures sur 24 comme les autres prisonniers de la RAF. La nuit, la lumière restait allumée dans la cellule ; tous les quarts d’heure, les gardiens regardaient par l’oeilleton ; presque chaque jour, la cellule était fouillée de fond en comble. Formellement sous le prétexte de nous protéger d’autres “suicides”, en vérité dans le but explicit de nous esquinter et de nous faire nous repentir.

Le “gel des communications” ne fut levé pour moi que le 31 octobre. Je pus alors recevoir de nouveau des visites de ma famille et des avocats, mais je restai toujours exclu de tout contact avec d’autres prisonniers. Toutes les demandes de personnes voulant me rendre visite, par exemple Wolfgang Grams, furent refusées, leurs lettres saisies pour les motifs des plus absurdes. Le courrier privé, le courrier avocat, les journaux, les livres et toute source d’information étaient soumis à une censure renforcée. C’est ainsi que le rapport du Parlement du Bade-Wurtemberg sur la nuit du 18 octobre à Stammheim ne m’a pas été remis, sous prétexte qu’il “pourrait mettre en danger l’ordre et la sécurité”. Il a donc fallu des années pour que je puisse accéder aux – maigres – informations sur cette nuit et pour que je puisse en discuter avec d’autres.

Aujourd’hui, trente ans après les faits, je ne peux accorder aucun crédit aux versions de suicide. Non pas, parce que je n’aurais jamais eu de doute. Non pas, parce que je n’aurais jamais prêté attention aux spéculations diverses. Pas non plus, parce que je n’aurais jamais été proche du désespoir moi-même, sous la pression des campagnes de diffamation auxquelles j’avais été confronté, comme les autres prisonniers, dès le début : campagnes nullement basées sur des faits concrets ; et continuellement bâties à partir de notions standardisées, de suppositions, de calomnies, d’altérations, de falsifications. Non, ce qui a fait que je sois resté à chaque fois méfiant concernant les “faits avérés”, c’était que je les connaissais mieux, eux, ceux qui étaient morts, que tout ce qui se disait à leur propos.

Tout d’abord il y a les faits officiels, dont la plupart a été consciencieusement réunie dans un livre par l’avocat Weidenhammer.[7] Pour mémoire, je les résume brièvement.

Selon les résultats des recherches criminologiques, Andreas Baader se serait tué avec un pistolet de 18 cm de long, en se tirant une balle exactement au milieu de la nuque, à trois centimètres au-dessus de la limite des cheveux, la balle étant ressortie au-dessus de la limite entre le front et les cheveux. Selon une expertise de la police fédérale, qui s’appuie sur une analyse fluorescente et radiologique, ce coup n’aurait été possible que s’il avait été tiré d’une distance de 30 à 40 centimètres entre le pistolet et la nuque. En tenant compte de la position de l’arme, des douilles, ainsi que des traces de poudre et des éclaboussures de sang sur la main droite, il a été conclu que le coup avait été tiré de la main droite et que l’arme avait été tenue avec la détente vers le bas. Sachant qu’Andreas était gaucher, une théorie a alors été construite selon laquelle il aurait appliqué l’arme en la tenant autour de l’embouchure avec la main droite, la détente vers le haut. D’autre part, des analyses avec du natriumrhodizonat sur les deux mains, “n’ont donné aucune trace de tir”. Les trois coups tirés dans la cellule et leurs douilles n’ont pas été comparés avec l’arme trouvée sur les lieux. Donc, il n’y a pas de certitude ni pour l’arme, ni pour la manière dont se sont succédés les trois coups de feu. Un échantillon important de sang et de tissu du point d’impact (“indice n° 6”) aurait été “perdu” chez le médecin légiste, le professeur Joachim Rauschke.

Pour Jan Raspe, aucune trace de poudre n’a pu être trouvée sur ses mains. Il n’y avait aucune trace de sang sur l’arme trouvée auprès de lui, bien qu’il soit mort manifestement d’un tir à bout portant à la tempe droite. Selon les dires des fonctionnaires qui le trouvèrent mourant le matin, il tenait encore le pistolet dans la main. Selon les connaissances en matière de médecine légale, il faut systématiquement dans ce type de situation enquêter sur une tentative de masquer un meurtre en suicide, car l’arme devrait normalement échapper des mains du fait du recul. Dans les dossiers de l’enquête et les interrogatoires des témoins, les théories les plus diverses ont alors été échafaudées, qui ne peuvent être interprétées que comme tentatives de masquer les faits. Ainsi, on lit dans le rapport du Parlement du Bade-Wurtemberg : “La position exacte de l’arme n’est pas établie”, ce qui devient dans la décision de classement de l’affaire par le Parquet : “A côté de sa main droite se trouvait un pistolet”. Une autre tentative d’exclure toute intervention étrangère a consisté à prétendre qu’il n’y avait pas de place pour personne à la droite de Jan, une affirmation qui a pu être réfutée facilement.

On n’a pas pu trouver d’empreintes sur les armes. Bien qu’il n’y ait eu aucune trace de sang sur les deux pistolets, le Parquet a d’abord déclaré “que les armes étaient tellement inondées de sang que l’on n’avait pu trouver de traces”. Puis, on indiqua que le sang s’était “coagulé”, avant que finalement on affirme que les armes avaient été “essuyées” puis finalement recouvertes d’une “couche de graisse”. Dans les commentaires d’un des enquêteurs de la police, cela se traduit de façon lapidaire par la phrase : “Si les armes avaient été essuyées avec un tissu avant l’utilisation, il ne pouvait rester de traces utilisables.” Et : “des empreintes ne peuvent durer sur une arme graissée.”[8]

Gudrun Ensslin a été trouvé pendue avec un câble électrique à la fenêtre de sa cellule. A la tentative de la descendre, le câble s’est rompu immédiatement. Personne ne s’est posé la question de savoir pourquoi le câble ne s’était pas déjà déchiré pendant la chute dans la mort. Au cou, une double trace de pendaison a été constatée des deux côtés jusque derrière la tête, avec une hémorragie en plus dans la crête. Un test d’histamine, par lequel il est possible d’établir si une pendaison a eu lieu avant ou après la mort, était préparé mais n’a pas été réalisé. Des préservations dactyloscopiques n’ont pas été effectuées, même pas sur le câble. La chaise, qui aurait été utilisée pour sauter, a été aussi peu examinée que, par exemple, ses ongles. Des traces de blessures sur le dos, la bouche, le nez, à la tête et à l’aine gauche ont été constatées mais pas examinées plus avant. Le fait que des lettres et d’autres documents avaient été enlevés de la cellule était d’abord confirmé en tant que “saisie”, puis nié, puis plus tard avoué en partie par le Procureur Général Kurt Rebmann. Dans la mesure où ils existent encore, ils ne sont toujours pas accessibles. Chez Andreas et Gudrun, la détermination du moment de la mort a été contournée en refusant aux médecins légistes l’accès aux cellules pendant huit heures.

Irmgard Möller a survécu à la nuit de la mort avec des coupures aux poignets et quatre coups de couteau près du coeur. Selon l’enquête, elle aurait essayé de se faire harakiri avec un petit couteau en chrome au bout arrondi typique des couverts de prison. Avec une force importante, car la cinquième côte était entaillée et un des quatre coups avait pénétré sur sept centimètres jusqu’à la poche du coeur. Dans la décision de classement de l’affaire par le Parquet il n’en reste que 2 à 4 cm. On n’a pas pu trouver d’empreintes sur le couteau recouvert de sang. On a rejeté toutes les démarches d’Irmgard pour obtenir les radiographies qu’on a fait d’elle. Le pullover qu’elle portait était tellement déchiré après qu’elle était transportée à l’hôpital, qu’on ne pouvait plus établir les dommages dûs aux coups de couteau. Le rapport des enquêteurs de la police dit à ce propos : “Le pullover est tellement déchiré que sa forme d’origine ne peut plus être reconstruite d’une manière utilisable.” Et : “Des dommages causés par des coups de couteau ne peuvent être établis d’une manière sûre à cause du mauvais état dans lequel se trouve le pullover.” Dans la décision de classer l’affaire par le Parquet on peut ainsi lire à ce propos : “Le pullover porté par Irmgard Möller en tant que seul vêtement couvrant le haut du corps était imbibé de sang, mais il n’était pas endommagé ; par expérience, un agresseur n’aurait pas tenu compte des vêtements de sa victime.” Irmgard a toujours nié qu’elle se serait blessée elle-même ou qu’il y aurait eu des discussions pour commettre un suicide collectif.[9]

A peine quatre semaines plus tard, le 12 novembre 1977, Ingrid Schubert a été trouvée morte dans une cellule isolée de la prison de Munich-Stadelheim. Elle était dans cette prison depuis mi-août 1977 et elle avait été transférée d’une autre cellule quelques heures avant sa mort, après que la veille il avait été annoncé qu’on aurait trouvé une cache avec des explosifs dans une cellule à Stammheim, dans laquelle Ingrid se trouvait jusqu’en août. Ingrid se serait pendue avec une corde tressée de trois bandes de draps de lit. Les bandes étaient faites en un coton solide d’à peu près 8 x 240 cm. Les contours des déchirures ne correspondaient pas les unes avec les autres. C’est-à-dire que, soit, les bandes ne venaient pas du morceau de drap de lit qui se trouvait encore dans la cellule, soit, il y avait des morceaux entre elles, qu’on n’a pas retrouvés. Si Ingrid avait déchiré le drap de lit elle-même, il y aurait dû y avoir des traces de fibres dans la cellule. Cependant, selon le rapport des enquêteurs de la police, “sur aucun vêtement on n’a pu trouver des traces de coton comme il en résulte forcément en déchirant un tissu comme le drap de lit.”

Après une visite de son père pour le 33e anniversaire d’Ingrid, elle avait encore parlé, le 10 novembre 1977, avec un avocat, d’une demande de transfert vers la prison de Francfort-Preungesheim. A ces occasions, elle avait laissé l’impression qu’elle était “de plus en plus ouverte”. Sa famille ne peut toujours pas s’imaginer qu’elle se serait tuée elle-même par résignation ou par désespoir.

Ulrike Meinhof avait déjà été trouvée dans sa cellule, le 9 mai 1976, dans des conditions semblables. Elle pendait dans un noeud coulant qui était si large que si elle n’était pas tombée, c’est seulement parce qu’elle était maintenue fermement avec le talon gauche sur une chaise. Une chaise qui pour sa part n’était gardée en équilibre que par la raideur du corps mort, parce qu’elle avait été soulevée du sol par un matelas et des couvertures. L’arrangement de la chaise ainsi que l’angle du pied posé normalement, contredisent les critères les plus fondamentaux de la criminologie concernant un saut dans le suicide. Les caractéristiques typiques pour une mort par étranglement par pendaison, comme le déplacement des vertèbres cervicales ou, en absence d’une brisure du cou, des hémorragies dans les conjonctives, ne pouvaient être constatées non plus. Par contre, il y avait des contusions et des épanchements sur les jambes et aux hanches qui ne pouvaient pas provenir de la chaise. La commission internationale, qui a examiné tous les documents concernant la mort d’Ulrike, concluait qu’elle devait être morte quand elle a été pendue, et que les indices montraient plutôt un étouffement ou un étranglement par des tiers.[10]

La corde avec laquelle Ulrike se serait pendue était une bande de 4 cm de large d’une serviette de prison. Des expérimentations ultérieures ont montré qu’une corde de cette matière et de cette largeur se casse immédiatement avec chaque charge exercée soudainement. Dans le rapport de la première enquête, la corde avait 68 cm de longueur, avec en plus un noeud double sous le menton – trop long pour une pendaison crédible. Du coup, à l’autopsie, la longueur de la corde a été fixée arbitrairement à 51 cm. De plus, le médecin légiste, il a été interdit au professeur Rauschke, par le Procureur Général de l’époque, Siegfried Buback, de procurer des informations au médecin légiste cité par la famille.

On doit savoir que le professeur Rauschke, qui a dirigé toutes les autopsies survenant à la prison de Stammheim, a toujours été engagé là où il y avait quelque chose à cacher. En mai 1975, il n’avait ‘pas remarqué’ les fractures du crâne par coups de crosse qui ont entraîné la mort de Siegfried Hausner. En octobre 1979, on le retrouve au Zaïre de Mobutu, où, apparemment, il s’est rendu utile avec l’autopsie de sept corps dans la dissimulation d’un accident de fusées par la firme allemande OTRAG.[11]

Ni chez Ulrike Meinhof, ni chez Ingrid Schubert, il n’y a eu de prise d’échantillon dermatologique pour des tests d’histamine, avec lesquels on aurait pu établir si la pendaison avait eu lieu avant ou après la mort. Les tests toxicologiques étaient limités à quelques substances seulement, comme un des rapports l’a confirmé : “Avec les méthodes utilisées, les substances suivantes ne sont pas incluses : des composés anorganiques, des substances toxiques d’origine animale ou végétale, la plupart des insecticides et produits phytosanitaires, ainsi que plusieurs composés organiques qui ne sont pas utilisés en tant que produits pharmaceutiques.”

Si, dans tout cela, il n’y a “aucune indication” pour une intervention étrangère, je me demande ce qui, là-dedans, parle pour un suicide. Mais ce qui est plus important pour moi, cependant, c’est que nous avons toujours rejeté le suicide en tant que décision dans notre lutte. Il n’y a jamais eu une “discussion sur le suicide” dans le groupe, parce que chez nous la politique et l’identité personnelle étaient des choses identiques, définies par rapport aux objectifs politiques, en prison comme dans la clandestinité. En taule, cela, c’est seulement plus exacerbé : là, tu ne te laisses pas faire si facilement, tu essaies de coincer la machine au maximum. Se lever, lutter, continuer, vivre, résister – “l’arme qu’est l’être humain”. Ou bien comme Gudrun l’écrivait, “Nous ne pouvons pas du tout arrêter de remettre les conditions sur les pieds, nous n’avons que commencé. Ce n’est pas la mort, c’est la vie.”[12]

De la part de la Sécurité de l’Etat, ce n’était pas un secret que depuis le début de la RAF, “la bande” devait “disparaître” et que pour cela ses “figures-clé” devaient être “liquidées”.[13] Là, précisément ceux et celles qui constituaient notre orientation la plus importante se seraient tués eux-mêmes, auraient laissé le groupe sans cadres, auraient fait le boulot des flics à leur place. Les constructions et les interprétations qui existent entre-temps à ce propos ne rentrent dans aucune détermination politique. Des gens comme Ulrike et Andreas n’auraient pas supporté que la Sécurité de l’Etat se débarrasse d’eux aussi facilement. Pour moi, un suicide n’est concevable qu’en tant que décision individuelle, de ne plus pouvoir continuer, en tant que désespoir, la fin de la volonté et de la politique. Aussi dans les pires moments, je ne l’ai pas essayé, même pas envisagé. Qu’importe que ce soit une stratégie mise en scène comme assassinat, un acte de ‘libération’ ou de désespoir, cela aurait été un aveu que tout était perdu.

Pourtant, il n’y avait pas de raison. Mise à part la défaite militaire dans le bourbier des prises d’otages, la situation 1977 a, politiquement, encore agi pour la RAF. A l’époque, tout indiquait la continuité. Les prisonniers étaient encore occupés avec les procédures, avec les textes qui devraient être publiés, avec des contextes internationaux de discussion dans lesquels nous avions encore une responsabilité. Qu’importe, comment était la perspective de sortir ou non, notre lutte continuait simplement. Chacun et chacune avait aussi envie de ça. Nous nous voyions dans un processus dans lequel la lutte en prison avait créé un effet qui se multipliait encore – un effet qui pouvait, par un suicide, seulement basculer dans la désorientation.

La véhémence avec laquelle, de la Sécurité de l’Etat jusqu’au Gouvernement Fédéral, chaque doute émis quant au suicide des prisonniers a été confronté, a fait réfléchir pas mal de gens. C’est pourquoi les constructions les plus aventureuses ont été diffusées pour rendre crédible a posteriori l’origine des armes. Des explosifs dans le slip. Des armes dans les dossiers, passés au travers de contrôles connus pour être des plus minutieux. Des caches dans dix cellules différentes, creusées avec des tournevis dans du béton classé B-600. Une arme dans un tourne-disque contrôlé et retiré plusieurs fois, qui s’est baladé de cellule en cellule. Un système de communication fantastique fait de câbles, de soudures, de haut-parleurs, de microphones et de radios.

Tout aussi pauvre a été l’argumentation avec laquelle le ‘témoin-clé’ Volker Speitel et consorts ont été présentés pour rendre plausibles les transports d’armes dans le quartier de haute sécurité à Stammheim. Speitel, qui selon ses propres dires avait une “peur terrible” lors de son arrestation, a été mis sous pression par des mesures de l’Office des Mineurs contre son fils de huit ans. Depuis les premiers témoignages contre nous (Ruhland, Brockmann, Müller), nous savons comment les témoins se font dicter et aider à apprendre des passages par coeur. Dans les quelques procès seulement où ils étaient obligés de se présenter physiquement, leurs autorisations de dépositions ont été limitées par le Parquet. Aussitôt qu’ils s’éloignaient des schémas pré-machés (comme Boock, qui vit de cela), ils se contredisaient mutuellement et se perdaient dans des interprétations des “ouïe-dire”.

Les strip-searches, les descentes-surprises et changements de cellules, je les ai vécus pendant six mois à Stammheim. Dans le procès contre les avocats Arndt Müller et Armin Newerla, qui étaient accusés d’avoir transporté des armes en partie “sans le savoir”, il y a eu les témoignages d’une trentaine de fonctionnaires qui mettaient ces transports en question.

Et tous ceux et celles qui connaissent Irmgard Möller depuis longtemps, savent qu’elle ne ment pas. Depuis 30 ans, ses déclarations sont conséquentes, sans contradictions.

Nous ne savons pas encore ce qui s’est passé réellement pendant la nuit de la mort à Stammheim. Il y a des rapports de la RAND Corporation et de la CIA de 1977 qui évaluaient la RAF comme un des groupes les plus dangereux dans le monde, et les services secrets étaient unanimes pour affirmer que le problème de la guérilla ne pouvait être résolu que par la liquidation de leurs “figures symboliques”. Des fonctionnaires du service secret allemand BND avaient libre accès dans le quartier de haute sécurité de Stammheim. Il y avait une entrée directe de l’extérieur à l’étage du quartier de haute sécurité par une cage d’escalier séparée et blindée. Des choses qu’on pourrait s’imaginer portent la signature du service secret israélien Mossad, dont le chef de section Gideon Mahanaimi a affirmé, en 1986, qu’il avait aidé des “services amis” en “tuant des chefs terroristes”. Il est aussi connu que le BND a procuré au Mossad l’accès à des prisonniers palestiniens dans des prisons allemandes, que des experts de contre-insurrection formés par le Mossad en Afrique et en Amérique Latine ont tué des prisonniers, et que le Mossad, en tant que plus petit service est capable de mieux tenir des secrets que d’autres.[14]

Evidemment, nous ne savons pas comment la coordination s’est présentée en pratique, qui dans les appareils d’Etat a vraiment su quelque chose ou qui a eu suffisamment de soupçons pour vouloir couvrir des choses seulement. Le countdown jusqu’à la nuit de la mort a pu être retracé exactement, depuis que la guerre psychologique avait été intensifiée contre les prisonniers de Stammheim – après les premières tentatives de les libérer à Stockholm en 1975 et à Entebbe en 1976. Les actions de la RAF auraient été “dirigées de la prison”, la RAF aurait envisagé des attaques contre des centrales nucléaires et des terrains de jeux, on ne pourrait se débarrasser de ces “fantômes” qu’en “employant des nouvelles méthodes”. Des mesures légales et illégales se sont intensifiées dans l’escalade des trois derniers mois : une attaque provoquée contre le groupe de prisonniers à Stammheim, la saisie de la requête auprès de la Commission Européenne des Droits de l’Homme, l’arrestation des avocats et des membres des comités, une bombe contre le bureau d’avocats à Stuttgart. A chaque événement dehors, les prisonniers étaient traités comme des otages et punis par la privation de contacts et d’informations, jusqu’à l’aggravation constituée par le “gel des communications” qui leur enlevait les derniers restes de protection. On sait que, dans la nuit de la mort, même l’installation vidéo dans le couloir du quartier de haute sécurité de Stammheim n’a pas fonctionné.

Il y a trente ans, la revue Pflasterstrand écrivait encore assez clairement : “Nous reculons devant la thèse du meurtre, qui – et peu importe les détails – aurait des conséquences vachement sérieuses.” Et encore : “Un meurtre : ça voudrait dire qu’en Allemagne il y aurait, au moins par rapport à certains groupes, un

fascisme ouvert , et ce qui signifierait que, d’une manière définitive et absolue, nous ne pouvons plus vivre comme avant.”[15]

Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus beaucoup de remises en question quand les “producteurs d’ordures” de l’Etat (comme Peter Chotjewitz les appelle) ou certaines personnes de nos anciens contextes s’efforcent de “se faire reconnaître par la société” en s’appuyant sur le verbiage des témoins-clé. Pour eux, la question “suicide ou meurtre” est effectivement devenue une “question de foi”, parce que leur rapport avec l’histoire est devenu la paix avec les conditions existantes. Ils essaient encore de résoudre les contradictions du suicide par la construction débile d’une complicité des autorités – avec le suicide, évidemment. Dans le grand concert, juste à temps pour l’énième anniversaire, ils essaient ainsi de transformer tout ce qui est connu des prisonniers, en “légendes de la gauche”, de tourner des mensonges en “repentirs”, et de dénoncer comme “hardliners” ceux et celles qui tiennent à leur histoire.

Apparemment, par ce moyen les prisonniers de Stammheim doivent être assassinés une deuxième fois, puisque la “deuxième mort” dans le sens biblique est le renvoi définitif vers l’enfer pour les damnés qui ont refusé de se repentir. Pour Dante, elle était la mort la plus honorable.

Ce qui reste un fait, c’est que le dernier mot sur notre histoire n’a pas encore été dit. Même s’il y en a qui ne veulent pas l’admettre.

Communiqué du Commando Petra Schelm

le 14 mai 1972

Jeudi le 11 mai 1972 — le jour même du début du blocus aux mines du Nord-Vietnam par les impérialistes américains, le Commando Petra Schelm a fait sauter trois bombes avec une charge de 80 kg de TNT dans le quartier général du 5e corps de l’armée américaine en Allemagne de l’Ouest basé à Francfort. L’Allemagne de l’Ouest et Berlin-Ouest ne serviront plus de pays de repli sûr pour les stratèges de l’extermination. Ils doivent désormais savoir que leurs crimes contre le peuple vietnamien leur ont créé de nouveaux ennemis qui s’acharneront à les combattre, qu’il n’y a plus de place pour eux dans le monde où ils puissent être en sécurité devant les attaques des unités de guérilla révolutionnaires.

Nous exigeons l’arrêt immédiat du blocus aux mines du Nord-Vietnam.

Nous exigeons la cessation immédiate des bombardements au Nord-Vietnam.

Nous exigeons le retrait immédiat de toutes les troupes américaines d’Indochine.

Pour la victoire du Vietcong !

Construire la guérilla révolutionnaire !

Ayons le courage de combattre – ayons le courage de vaincre ! Créons deux, trois, de nombreux Vietnam !

Fraction Armée Rouge – le 14 mai 1972

Communiqué du Commando 15 juillet

le 25 mai 1972

“TOUTES SORTES DE MONSTRES SERONT VAINCUES!”

Hier soir, mercredi le 24 mai 1972, deux bombes d’une charge de 200 kg de TNT ont explosé au quartier général des forces armées américaines en Europe à Heidelberg. Cette attaque a été exécutée après que le général Daniel James, chef d’unité au Pentagone, avait déclaré ce même mercredi, à Washington : “Désormais, pour les bombardements au Vietnam l’armée de l’air americaine n’exclut plus aucun cible au Nord et au Sud du 17e parallèle.” Lundi, le ministre des affaires étrangères de Hanoï avait une nouvelle fois accusé les Etats-Unis d’avoir bombardé des zones de population très dense au Nord-Vietnam.

L’armée de l’air américaine a largué dans les sept dernières semaines plus de bombes au Vietnam que sur le Japon et l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Pentagone parle de millions de tonnes d’explosifs en plus qu’on compte déverser pour stopper l’offensive vietnamienne. C’est du genocide, ce serait la “solution finale” pour le peuple vietnamien.

Les gens en Allemagne ne soutiennent pas les services de renseignement contre les commandos, parce qu’ils ne veulent rien avoir à faire avec les crimes de l’impérialisme américain et leur justification par la classe dominante ici ; parce qu’ils n’ont pas oublié Auschwitz, Dresde et Hambourg ; parce qu’ils savent que contre les assassins au Vietnam des attaques à la bombe sont justifiées ; parce qu’ils ont fait l’expérience que les manifestations et les protestations contre les crimes de l’impérialisme ne servent à rien.

Nous exigeons la cessation des bombardements sur le Vietnam.

Nous exigeons l’arrêt du minage au Nord-Vietnam.

Nous exigeons le retrait des troupes americaines de l’Indochine.

Nous poursuivrons nos attaques contre les exterminateurs du Vietnam jusqu’à la victoire du Vietcong.

Nous invitons les militants en Allemagne de l’Ouest et Berlin-Ouest de prendre, dans leur lutte politique contre l’impérialisme américain, comme cible de leurs attaques toutes les installations américains.

Solidarité avec le peuple vietnamien !

Dispersons et brisons les forces de l’impérialisme américain !

Victoire dans la guerre du peuple !

Commando du 15 juillet – Fraction Armée Rouge

Communiqué du Commando Ulrike Meinhof

le 13 avril 1977

Pour des “acteurs du système-même” comme Buback, l’histoire trouve toujours une voie.

Le 7 avril 1977, le Commando Ulrike Meinhof a exécuté le procureur fédéral Siegfried Buback.

Buback a été directement responsable du meurtre d’Holger Meins, de Siegfried Hausner et d’Ulrike Meinhof. Dans ses fonctions en tant que chef du parquet fédéral – comme point central de décision et de coordination entre la justice et les services de renseignement ouest-allemands, en coopération étroite avec la CIA et le Security Committee de l’OTAN – il a mis en scène et dirigé leur assassinat.

Sous la direction de Buback, Holger fut assassiné avec préméditation le 9 novembre 1974 par une sous-alimentation systématique et une manipulation consciente du moment de transfert de Wittlich à Stammheim.

Le calcul du parquet fédéral était de casser, en exécutant un cadre, la grève de la faim collective des prisonniers contre la détention d’extermination, et ce après que la tentative de tuer Andreas en arrêtant l’alimentation forcée avait échoué grâce à la mobilisation de l’opinion publique.

Sous la direction de Buback, Siegfried, qui avait dirigé le commando Holger

Meins et qui pouvait prouver que l’explosion à l’ambassade de l’Allemagne à

Stockholm était l’oeuvre des unités du MEK allemand, a été assassiné le 4 avril

1977. Alors qu’il se trouvait à la disposition exclusive du parquet fédéral et du BKA, on effectua au péril de sa vie son extradition en Allemagne et son transfert dans la prison de Stuttgart-Stammheim : c’était signer son arrêt de mort.

Sous la direction de Buback, Ulrike a été exécutée le 9 mai 1976, lors d’une action de la Sûreté de l’Etat. Sa mort fut camouflée en suicide pour suggérer “l’échec de sa politique”.

Ce meurtre fut le terme d’une escalade qui avait déjà vu la tentative du procureur fédéral de crétiniser Ulrike par une intervention neurochirurgicale de force, afin de la présenter détruite au procès de Stammheim et de pouvoir ainsi dénoncer la résistance armée comme une maladie mentale. La réalisation de ce projet fut empêchée grâce aux protestations internationales.

Le moment de l’assassinat d’Ulrike a été calculé de façon précise :

  • avant l’initiative décisive au procès, pendant les requêtes de la défense, qui devraient interpréter, à partir des attaques de la RAF contre les quartiers généraux de l’armée américaine à Francfort et à Heidelberg en 1972, le rôle de l’Allemagne dans l’agression américaine au Vietnam en dépit du droit international ;

  • avant l’audition d’Ulrike comme témoin au procès du Commando Holger Meins à Düsseldorf, où elle aurait pu faire des déclarations irréfutables sur la forme extrême de torture qui lui a été infligée pendant huit mois dans une aile morte ; — avant son passage en jugement, alors que l’opinion publique internationale, qui commençait à se développer d’une manière critique par rapport à la parodie de procès qu’offrait Stammheim et à sa cynique exhibition de toute la violence impérialiste, était compris par le gouvernement et son exécutive, puisqu’elle était en train de lui tomber sur les pieds.

L’histoire d’Ulrike, plus que d’autres combattants, est l’histoire de la continuité de la résistance. Pour le mouvement révolutionnaire, elle avait une fonction idéologique d’avantgarde à laquelle Buback s’attaquait en montant un faux suicide : récupérer sa mort pour la propagande du procureur fédéral comme “aveu de l’échec de la politique armée” et ainsi anéantir moralement le groupe, son combat, sa trace. La conception du procureur fédéral, qui a centralisé, depuis 1971, toutes les poursuites et les procédures contre la RAF, suit la ligne de la stratégie antisubversive conçue par le Security Committee de l’OTAN : criminalisation de la résistance révolutionnaire – avec comme étapes tactiques l’infiltration, la désolidarisation et l’isolement de la guérilla ainsi que l’élimination de ses leaders.

Dans le cadre de la contrestratégie de l’impérialisme allemand contre la guérilla, la justice est un instrument de guerre – en poursuivant les guérilleros qui opèrent dans la clandestinité et en procédant à la destruction des prisonniers de guerre.

Buback — comme le dit Schmidt “un combattant énergique” pour cet Etat — a compris la confrontation avec nous comme une guerre et l’a mené en tant que tel : “J’ai survécu la guerre. Ceci est une guerre avec d’autres moyens.”

Nous empêcherons que nos combattants soient assassinés dans les prisons allemandes, parce que le parquet ne peut résoudre le problème, qui est pour lui le refus des prisonniers d’arrêter le combat, autrement que par leur liquidation.

Nous empêcherons que le parquet fédéral et les organes de la sûreté de l’Etat se vengeront sur les combattants en prison pour les actions de la guérilla à l’ extérieur.

Nous empêcherons que le parquet fédéral utilisera la quatrième grève de la faim collective des prisonniers pour leurs droits minimaux d’être humain pour assassiner Andreas, Gudrun et Jan, comme le propage déjà ouvertement la guerre psychologique depuis la mort d’Ulrike.

Commando Ulrike Meinhof – Fraction Armée Rouge

Organiser la résistance armée et le front anti-impérialiste en Europe de l’Ouest.

Mener la guerre dans les métropoles dans le cadre des luttes de libération internationales.

Repères chronologiques

7 octobre 1934

Naissance

7 février 1940

Mort de son père

1 mars 1949

Mort de sa mère

septembre 1953

Premiers articles pour la revue d’étudiants Spektrum

1955–1957

Etudes de philosophie et de pédagogie, cours de psychologie, littérature allemande, littérature anglaise, histoire de l’art et science de l’histoire à l’université de Marburg

17 août 1956

Interdiction du parti communiste allemand KPD

1957–1959

Etudes de pédagogie, philosophie, psychologie et histoire de l’art à l’université de Münster. Porte-parole du Anti-Atomtod-Ausschuss (comité contre la mort nucléaire)

1958

Devient membre de la fédération des étudiants socialistes SDS. Manifs contre l’armement nucléaire. Articles pour plusieurs revues dont Das Argument

3–4 janvier 1959

S’impose avec le SDS contre la fraction du parti socialiste SPD au Congrès contre l’armement nucléaire à Berlin-Ouest

octobre 1959

Déménage à Hambourg et devient rédactrice en chef du mensuel Konkret

octobre 1959 — juin 1964

Membre clandestin du KPD

27 décembre 1961

Mariage avec l’éditeur de Konkret, Klaus Rainer Röhl

21 septembre 1962

Naissance des jumeaux Bettina et Régine

aout 1964

Se retire de la rédaction de Konkret mais continue à travailler pour la revue et d’autres médias en tant que journaliste indépendante

janvier 1968

Divorce. Déménage à Berlin-Ouest. Participe dans l’organisation du Congrès international sur le Vietnam tenu à Berlin le 17 et 18 février 1968

1968–1969

Travaille sur plusieurs documentaires pour la télévision, dont Bambule

(Mutinerie) sur la situation dans les foyers pour mineurs

avril 1969

Fin de la collaboration avec Konkret

1969–1970

S’engage dans un comité de quartier au Märkisches Viertel, un complexe d’HLM en banlieue. Conférencière en journalisme à l’université libre (FU) de Berlin

14 mai 1970

Libération de prison d’Andreas Baader. Clandestinité et fondation de la RAF

1 mai 1971

Parution du Concept de la guérilla urbaine. Pour la première fois, le groupe se donne le nom RAF, Rote Armee Fraktion

15 juillet 1971

Mort de Petra Schelm lors d’une fusillade

  1. juin 1972

Arrestation d’Ulrike

  1. juin 1972 — 9 février 1973

Isolation dans l’aile morte de la prison de Cologne-Ossendorf. Idem du 21 décembre 1973 au 3 janvier 1974 et, avec Gudrun Ensslin, du 5 février au 28 avril 1974

28 avril 1974

Transfert avec Gudrun Ensslin à la prison de Stuttgart-Stammheim

13 septembre 1974

Annonce la troisième grève de la faim collective lors du procès sur la libération de prison d’Andreas Baader

début novembre 1974

Transfert d’Andreas Baader et de Jan Raspe d’autres prisons à Stammheim

9 novembre 1974

Mort de Holger Meins après 58 jours de grève de la faim

29 novembre 1974

Condamnation à huit ans de prison dans le procès sur la libération d’Andreas

21 mai 1975

Début du procès de Stammheim contre Ulrike Meinhof, Gudrun Ensslin, Jan

Raspe et Andreas Baader

9 mai 1976

Mort d’Ulrike dans une cellule de la prison de Stammheim

16 mai 1976

Cortège de 10.000 personnes lors de l’enterrement d’Ulrike à Berlin

Bibliographie

Klaus Croissant (éd), textes des prisonniers de la “fraction armée rouge” et dernières lettres d’ulrike meinhof, Maspero, Paris 1977

collectif (éd), mutinerie et autres textes d’ulrike meinhof, Editions des femmes, Paris 1977

Klaus Croissant (éd), A propos du procès Baader-Meinhof. De la torture dans les prisons de la RFA, Bourgois, Paris 1975

Dossier, Les prisonniers politiques ouest-allemands accusent, Les Temps

Modernes N° 332, Paris, mars 1974

rapport de la commission internationale d’enquête, la mort d’ulrike meinhof, Maspero, Paris 1979


Tous les textes de la RAF, avec pour la plupart des traductions en français, se trouvent dans les archives de la RAF à l’Institut International d’Histoire Sociale IISG à Amsterdam, et sont disponibles en ligne, téléchargeables en PDF sur le site socialhistoryportal.org/raf. S’y trouvent aussi une sélection de textes des prisonniers et prisonnières et une collection de documents issus de discussions internes, de discussions avec d’autres militants, de la lutte en prison, et des luttes considérées pertinentes pour le contexte, dont plusieurs documents en français.

Les livres mentionnés ci-dessus sont également disponibles en PDF au socialhistoryportal.org/raf.

[1] Thomas Giefer, Une mort de style colonial, Assassinats politiques, L’Harmattan, Paris 2008

[2] la mort d’ulrike meinhof, rapport de la commission internationale d’enquête, Maspero, Paris 1979

[3] Jutta Ditfurth, Ulrike Meinhof. Die Biographie, Ullstein, Berlin 2007

[4] Ulrike Meinhof, Concernant les effets de l’aile morte, cf page 43.

[5] Ulrike Marie Meinhof, Aufsätze und Polemiken, Wagenbach, Berlin 1980

[6] Ulrike Meinhof, Stück zu Röhl, www.socialhistoryportal.org/raf/5510

[7] Karl-Heinz Weidenhammer, Selbstmord oder Mord ? Todesermittlungsverfahren Baader Ensslin Raspe, Neuer Malik Verlag, Kiel 1988

[8] Commissaire en chef Günter Textor dans le Frankfurter Rundschau du 27/10/1977 et du 14/12/1977

[9] Cf. Oliver Tolmein, “RAF – Das war für uns Befreiung” ; Ein Gespräch mit Irmgard Möller über bewaffneten Kampf, Knast und die Linke, Konkret Literatur Verlag, Hamburg 2002

[10] rapport de la commission internationale d’enquête, la mort d’Ulrike Meinhof, Maspero, Paris 1979

[11] ID (Service d’information à Francfort) du 7/11/1979

[12] Gudrun Ensslin, Der Imperialismus bildet eine Einheit, socialhistoryportal.org/raf/5348

[13] Reinhard Rauball, Die Baader-Meinhof Gruppe, Verlag Walter De Gruyter, Berlin 1973

[14] Le Soir du 13/1/1986 ; Der Spiegel du 29/10/1979

[15] Pflasterstrand (revue de la gauche autour de Cohn-Bendit), décembre 1977